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266 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Il s'abrite sous l'entrée de la banque, s'assied sur les marches en attendant que la pluie cesse. Depuis quelques temps, il y a une famille qui campe devant la boulangerie qui fait l'angle avec la rue des pyrénées et de ménilmontant et parfois il parle avec eux. Des syriens. Il se souvient  de sa femme, quand elle était encore vivante, quand ils se promenaient dans le quartier, heureux et insouciants. Il pense a elle et récite une sorte de mantra. J'attends que tu viennes et reviennes mais tu semble absente alors j'essaie de te décrocher dans mon rêve et je cours après toi après que mes yeux se soient vacillés dans la nuit après que la nuit m'ait englouti comme pour que j'oublie que tu n'es pas la comme pour que mon esprit efface ton absence et puis que je recommence à compter les heures sans toi a compter les jours loin de toi à compter les semaines ou tu n'es pas la a compter les mois ou tu n'es toujours pas là je ne suis pas a plaindre je suis l'homme qui ne devrait pas partager le banquet ni le repas je devrais être dans l'ombre et te regarder vibrer sans moi parce que je suis un intrus je suis un étranger dans la maison et que ce n'est pas mon rôle acteur de boulevard dans cette pièce aux accents shakespeariens alors je retourne aux fondamentaux comme ils disent dans les vestiaires les entraîneurs à la con j'erre un peu sur le pavé des rigoles je traîne sur le belvédère je cogite en recherchant la rue vilain chère a pérec et puis je dégringole rue des cascades et je ressens ton absence sur les murs de la ville mais ce n'est pas grave parce que tu es toujours là me tenant la main et souriant de ton air qui est le même que lorsque tu es colère parce que tu es la même dans tout les sentiments parce que tu es absolu et sans concession et nous savons bien toi et moi que ton absence est une présence et que jamais tu ne quittes le pavé des rigoles jamais tu n'es loin de belleville. Même ton absence est une présence même ton absence est une prégnance. Une présence. Des gens pensent qu'il est fou. Tout le monde le pense. L'amour est une folie sans doute. Un homme attends que la pluie cesse abrité sous l'entrée de la banque du 266 rue des pyrénées.

 

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267 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 267 rue des pyrénées un homme écrit une lettre, il semble serein, il ne voudrait pas être ailleurs, sa femme est partie chercher leur fille a l'école maternelle, son fils rentrera plus tard. Il doit écrire une lettre, voici ce qu'elle dit : ' Mes petits enfants, mes pauvres petits enfants, je vais vous abandonner. Je suis bien trop vieux pour être votre père et vous devez me pardonner, enfin vous ne devez pas. Je ne suis pas quelqu'un de bien. Je ne suis pas quelqu'un. Grigori je dois te dire comme ta mère t'a désiré. Irina je dois te dois te dire comme ta mère t'a désiré. Ma fille et mon fils je dois vous dire, l'amour de votre mère, comme elle vous a porté, comme elle vous a désiré, comme elle a vécu pour vous. Mes enfants je vous aime, mais l'amour de votre mère, n'est rien. Comparé a ce qu'elle a vécu pour vous. Mes enfants, je ne serais bientôt plus la, et quand je ne serais plus la, je vous demande de veiller sur votre mère. Mes enfants, je vous demande de me pardonner, mes enfants, je vous demande, de ne pas m'en vouloir, je vous ai eu bien bien trop tard, je vous aime tellement. Je suis tellement vieux que je n'aurais pas du vous avoir. Mais je vous aime. Et vous n'imaginez pas comme votre mère vous aime. Mes enfants je vous aime, je vous demande de me pardonner, je vous demande d'aider votre mère. Mes enfants. Au 267 rue des pyrénées, un homme écrit une lettre. Il semble serein.

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268 Rue puebla

Publié le par drink 75

Un homme va tomber. Puis un autre. Puis encore un autre. Une femme va tomber. Puis une autre. Puis encore une autre. Un enfant va tomber. Puis un autre. Puis encore un autre. Des femmes, des hommes, des enfants vont tomber. Des enfants vont tomber. Des femmes vont tomber. Des hommes vont tomber. Puis d'autres. Encore d'autres. La rue des pyrénées ne s'appellent pas encore rue des pyrénées. Elle s'appelle la rue puebla. Nous sommes le 28 mai 1871. A l'angle de la rue de ménilmontant. Les versaillais chargent. Les versaillais exécuteront froidement une soixantaine de communard. Ici au 268 de la rue puebla qui deviendra la rue de ménilmontant. C'est la fin de la commune, ce ne sera pas la dernière barricade, mais c'est le dernier jour de la commune, avant les massacres, la répression, les dizaines de milliers de personnes exécutés. Ceux qui seront exilés, très loin, ceux qui seront enfermés très loin. Mais pour le moment c'est le matin, et des hommes et des femmes, et des femmes et des enfants, et des enfants et des hommes attendent les versaillais. Ceux qui vont plus tard les massacrer, les fusiller, les tuer. Une femme va tomber. Des enfants vont tomber. Des hommes vont tomber. Bientôt le pavé de la rue puebla serait recouvert du sang des communards, bientôt le sang coulera et descendra la rue de ménilmontant. Bientôt les rigoles du quartier seront ocres et trempées du sang des femmes, du sang des enfants. Bientôt le bruit des fusils des versaillais occupera l'espace, et les cris des femmes, les cris des enfants, les cris des hommes satureront tout belleville-ménilmontant. Un homme tombe. Un enfant tombe. Une femme tombe. Puis encore d'autres. Encore d'autres. Encore et encore. Des morts et des morts. Nous sommes le 28 mai 1971 au 268 de la rue puebla.

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269 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme fait le ménage dans l'entrée du 269 de la rue des pyrénées, il frotte le sol avec un balai posé sur une serpillère. Un homme descend les escaliers de l'immeuble et passe devant lui pour sortir dans la rue sans adresser un regard ou lui adresser la parole. Les empreintes de ses chaussures marquent le sol mouillé. Il essaie d'effacer de sa mémoire au fur et a mesure qu'il efface la saleté sur le sol, comme un talisman, un désir d'oublier. Il est tenaillé par l'angoisse, le matin quand il part, quand il croise des policiers, quand il est contrôlé dans les transports, tout le temps, il a peur, il tremble. Et a la fin du mois, il n'est même pas sur d'avoir son salaire. Son employeur peut faire ce qu'il veut, puisqu'il est sans papier, il est un fantôme, il n'a aucun droit. Il ne fait que travailler et travailler encore. Il erre dans la ville, transparent parmi les transparents. Il essaie encore et encore, il essaie encore et encore d'avoir des papiers mais il sait qu'il n'en aura sans doute jamais. L'homme fait le ménage, nettoie l'immeuble du 269 de la rue des pyrénées, en attendant que des flics l'arrêtent et le renvoie dans son pays. Dans son pays.

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271 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Il s'assied a  une table qui donne sur la rue villiers de l'isle adam. Ils ont refait le café pendant l'été, sans doute pour augmenter les prix de la carte du restaurant. Commande une bière. Il la voit encore se dit-il alors que le serveur la dépose sur la table. La terrasse en face est pleine de ses nouveaux habitants du quartier, les garçons ont la barbe, les filles sont habillées avec des fringues qui se veulent anciennes ou usées mais dont il est presque certain qu'elles coûtent un bras. Les vieux qu'il fréquente gueulent contre les nouveaux arrivants, que les prix des commerces augmentent, que ce n'est plus un quartier populaire. Mais ceux qui sont propriétaires ne crachent pas sur le fric quand ils découvrent que leur vieil appartement pourri vaut une fortune. Le café d'en face, sa terrasse, elle est toujours pleine. Les ours c'était vraiment un nom bizarre pour un rade. Dans le rade du 271 il n'y a quasiment pas de terrasse, quelques tables rondes pour que les gens puissent fumer. Il se dit qu'il va fumer de nouveau une cigarette avant de ne plus voir. Il prend son petit bloc et son stylo. Ce n'est rien mais il se dit que c'est formidable de pouvoir encore écrire. Lire. Le matin il s'est aperçu que la perte de la vue était du domaine de l'indicible mais qu'elle était bien réelle. Dans quelques mois je serais aveugle, l'année prochaine sans doute je n'y verrais plus se dit-il. Cette phrase lui semble incongrue. Comment va t'il faire. Aller dans un établissement spécialisé vu qu'il est seul, tout seul. Après cette bière, il ira se promener dans le cimetière père lachaise, comme pour s'habituer a sa propre mort. Il aimerait revoir cette femme qu'il a tant aimé, mais comment ne pas tomber dans le pathos, comment ne pas retourner dans le mièvre, comment lui expliquer que 20 ans après il voulait la revoir car bientôt il n'y verra plus. C'est un peu comme quand on va mourir, on se dit quand on y pense avant, que l'on fera toutes ces choses que l'on a rêvé de faire et en fait on ne fait rien. On reste assis sur sa chaise a regarder passer les voitures dans la rue en bas. Il aimerait revoir bruxelles, liège, il aimerait revoir le jeu de balle et outremeuse, et peut-être prague, porto. Oui il aimerait revoir une dernière fois et dire adieu a une femme qu'il ne reverra jamais. Mais il va juste sortir de ce rade, prendre la rue villiers de l'isle adam jusqu'a la place martin nadaud, descendre l'avenue gambetta, longer le cimetière pour y rentrer par l'entrée principale et après l'avoir traversé et ressortir par la place gambetta. Il a l'impression que si le médecin lui avait qu'il allait bientôt mourir, il aurait su quoi faire. Mais devenir aveugle. Lui si solitaire, qui ne parle parfois pas pendant des jours a d'autres personnes, lui qui ne fait que lire et errer depuis qu'il est a la retraite, qu'est ce qu'il va pouvoir faire ? Devenir aveugle ce n'est pas un truc auquel il est vraiment préparé.

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273 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

L'immeuble de style haussmannien sis au 273 rue des pyrénées se trouve juste avant l'intersection avec la rue du retrait. Qui mène rue de ménilmontant. C'est une banque qui fait l'angle. Juste après cet immeuble. Un homme essaie de retirer vingt euros au distributeur de la banque. Mais le distributeur lui indique que c'est impossible. Il n'a pas d'argent pour ce week-end se dit-il puis il hausse les épaules et rentre chez lui en sachant que presque tout les week-end se ressemblent désormais. Pas d'argent. Une femme entre dans l'immeuble du 273 rue des pyrénées, elle se demande comment sera sa séance de baise hebdomadaire, mais elle est presque sure que ce sera bien, c'est presque toujours bien. Un homme vautré dans son canapé dans un grand appartement du deuxième étage lit un livre de walter mosley qui s'appelle la musique du diable. Au troisième étage du 273 de la rue des pyrénées, une fille se maquille alors que la nuit envahit l'espace, elle se demande si elle va boire un verre avant de sortir comme pour se donner du courage. Un homme danse vaguement dans son deux pièces, bat le rythme avec sa tête en écoutant un vieil album de firmin muguroza, l'ancien chanteur de kortatu et de negu gorriak. Un enfant qui voudrait devenir cuisinier essaie de monter un mayonnaise en regardant en même temps sur son smartphone le tutoriel d'une blogueuse cuisine. Au 273 de la rue des pyrénées, au quatrième étage un chat se gratte l'oreille avant de s'assoupir de nouveau. Dans un appartement, vide de presque tout, un homme écrit penché sur son bureau, la mine de son stylo frotte le papier avec une énergie telle qu'on pourrait croire qu'il fait l'amour. Allongé sur son lit, un homme parle dans son téléphone sur l'application viber avec une femme situé a des milliers de kilomètres de la, il se gratte légèrement les couilles a moins qu'il ne se branle vaguement. Un  homme sort du 273 de la rue des pyrénées en se demandant dans quel direction aller pour faire quelques courses, il y a un supermarché a droite, il y a un supermarché a gauche, il y a un supermarché en face. Une fille vomit dans les toilettes d'un appartement du 273 de la rue des pyrénées en se maudissant de picoler autant, et elle se dit qu'elle boira moins la prochaine fois juste avant de se souvenir qu'elle dit cela depuis plus de 10 ans. Un homme cherche sur google les différentes façon de se suicider, il habite au rez de chaussée mais je ne crois pas qu'il y un rapport entre ces deux faits. Je ne crois pas qu'il y ait le moindre rapport.

 

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274 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Une femme vend un des ces journaux pour les sans-abris, appuyée contre l'arbre qui est a l'angle des rues des pyrénées et de ménilmontant, elle est présente tout les jours, dans une sorte de pose christique, les journaux posés sur ses avant-bras, comme sur un étalage. C'était il y a combien d' années la mode des journaux pour les sdf, on en voit plus, presque plus, c'était il y a 10 ans, il y a 20 ans, il y a un siècle. C'était quand les pauvres étaient encore un peu la mode, avant que l'on s'aperçoive qu'ils étaient vraiment pauvres, vraiment sales, vraiment différents. La femme reste toute la journée, droite comme un i, à côté du truc moche ou les gens viennent jeter leurs bouteilles vides. Je n'ai jamais vu quelqu'un lui acheter son journal. Mais ça doit bien arriver. Souvent des gens lui parlent, surtout les petits vieux qui viennent faire les courses tout les jours, parfois quelqu'un lui donne un produit acheté dans le magasin. Un sac de pâtes, un sac de riz, un je ne sais quoi. Je ne lui ai jamais parlé, jamais, je ne la salue même pas, je la regarde ou pas d'un air impersonnel, sans doute que je ne suis pas quelqu'un bien. Mon pote c'est le polonais souvent bourré, qui est un peu plus loin et qui rentre parfois dans le carrefour market quand il a assez de ferrailles pour acheter une bouteille. Il y a toujours un peu de bruit ici, le carrefour n'est pas pratique pour les bagnoles, alors ça klaxonne, surtout que devant le carrefour il y a toujours des camions énormes qui dégueulent leurs victuaille. et puis les 26 a soufflet qui bloque tout quand ils sont coincés, et même parfois le 96 depuis que la rue de ménilmontant s'effondre et que le circulation est coupé dans le sens de la montée, le 96 passe par père lachaise et gambetta et quand il tourne pour reprendre la rue des pyrénées c'est un peu le bordel. La femme ne bouge pas, elle est sans âge, sans origine, elle est droite contre son arbre devant le 274 rue des pyrénées. Droite comme la pauvreté, toute droite.

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