Un homme est assis, il pleure. Nous sommes au 264 de la rue des pyrénées, l'homme sait qu'il ne supporte pas les nouvelles qu'il entend, il est assis dans un fauteuil, un ordinateur sur ses genoux. Il a reçu un mail funèbre de son frère, un mail qui raconte le quotidien. Ils ont crus en la révolution, mais personne ne les a soutenu, même en france les révolutionnaires se sont rangés du côté de bachar. L'homme pleure, il lit les lignes écrites par son frère, ses mots qui viennent de l'enfer : Il y a un homme a côté de moi, allongé contre le rebord, il y a un vieil homme qui me dit que ses enfants sont morts, il y a un vieil homme qui répète tous mes enfants sont morts, il y a un vieil homme qui me dit ma femme est morte aussi. Il y a un vieil homme a côté de moi. Je l'écoute qui répète la litanie des morts, l'homme qui pleure et qui égrène le nom de ses morts. Vous vous souvenez je lui dis alors qu'il ferme les yeux, vous vous souvenez comme nous avons fait la fête quand nous avons cru faire la révolution, vous vous souvenez des enfants montés sur les estrades, vous vous souvenez des voix des enfants et des chants. L'homme ouvre les yeux et l'homme me regarde, et l'homme me dit, non je ne me souviens pas monsieur, je ne me souviens plus comment c'était avant la guerre, et je ne veux plus me souvenir, je sais juste monsieur que j'avais une femme et des enfants, et que maintenant ils sont tous morts. Maintenant ils sont tous morts monsieur. Alors je veux lui dire que moi aussi ma fille et ma femme sont mortes, je veux lui dire moi aussi ma famille est morte, je veux lui dire moi aussi ma fille et ma femme sont mortes. Je veux lui dire et je ferme les yeux. Je me souviens de ma fille qui me souriait le matin et les bombes continuent de tomber. Je me souviens des yeux de ma femme qui s'ouvraient au monde chaque matin et les bombes continuent de tomber. Je me souviens de cette harmonie que nous formions tout les trois et les bombes continuent de tomber. Je me rappelle de ton corps, de ta peau caramel, de la saveur fruité de ta chatte dans le petit matin et les bombes continuent de tuer. Je vois tes yeux dans ce tunnel dont je ne sortirais pas vivant, je regarde tes yeux qui me disent qu'ils m'aiment, je tiens la main de notre petite fille et les bombes continuent de tuer. Je ne suis plus en vie, mon corps est encore vaillant mais mon âme repose sous la terre auprès de ma fille et de ma femme, auprès de tout les autres morts, auprès des milliers et des milliers et des milliers de morts que la guerre a sacrifié. J'entends les enfants et j'entends ma fille qui pleure, j'entends les enfants et je vois le visage de ma fille endormie, j'entends les enfants qui pleurent et j'entends ma fille qui pleure. Je reste ainsi quelques instants, peut-être de longues heures, je reste ainsi attendant que le temps passe, que les bombes tombent, que les cris cessent et reprennent, je suis au milieu des miens, sous la terre, nous sommes enterrés, respirant encore, au milieu d'une hypothétique survie, attendant que la vie revienne, attendant que la guerre cesse. Mais la vie ne reviendra pas, mais la guerre jamais ne s'arrêtera, je n'y crois plus maintenant, je n'y crois plus. Ma guerre est terminée, ma vie est finie, ma fille et ma femme sont mortes. La guerre est terminée.Je berce le corps de ma fille. Morte. Je caresse le visage de ma femme. Morte. Je ne vais pas les rejoindre dans la mort, on reste seul j'imagine. Je caresse le visage de ma fille, je berce le corps de ma femme. Mortes. Je continue de courir sous les bombes, je continue d'avancer dans des tunnels desquels on ne sort jamais, je parle a des murs qui me renvoie un écho que je ne reconnais pas. Le sol vibre sous les bombes. Je veux sortir parmi les ruines, je veux me retrouver a l'air libre, je veux retrouver ma fille et ma femme, je ne veux plus rester terré dans ce tunnel. Je ne veux plus être mort. Je veux respirer au-dehors. Sentir le vent et la pluie. Je veux sortir au-dehors. Rejoindre ma fille et ma femme. Je veux ressortir dehors. Avec ma femme et ma fille.