Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

175 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 175 de la rue des pyrénées, une jeune femme relit son journal des jours précèdents : 14 Novembre : Les mots existent-ils pour exprimer la douleur que je ressens ? Je ne  le crois pas, et  d’ailleurs, même si je les trouvais et  leur donnais un sens, même si l’innommable parvenait  à prendre forme sur la seule foi de mes descriptions, cela n’aurait aucun sens. C’est comme si, tout à coup, les mots ne devenaient qu’illusions, comme s’il ne restait que de la fumée de mes paroles et de la cendre de mes écrits. Mon traumatisme est profond, une partie de moi-même est perdue à tout jamais, je me regarde m’enfoncer dans les ténèbres.  15 Novembre : Je retire l’espèce de bonnet que j’ai sur la tête et elle peut admirer mon arcade recousue au-dessus de mon œil au beurre noir. Je souris pour lui montrer ma dent cassée. Je pourrais commencer à parler et lui dire que j’ai envie de mourir, que je suis sale et désespérée. Je pourrais m’exprimer et parler crûment. Je voudrais lui montrer mon sexe mais il n’y à rien à voir. Je suis salope de lui envoyer ma douleur en pleine face. Ce n’est pas une manière de la remercier pour sa visite. Mais après tout, je ne l’ai pas forcée à venir. 16 Novembre : J'accepte ma nouvelle condition. Je comprends bien que je ne suis plus un être humain. Je n’ai plus d’espoirs de carrière professionnelle, plus d’envie d’enfants ou de maris. Je suis à la remorque du monde, sur le bas-côté, dans le ravin. J’ai la gueule en sang, le corps en lambeaux, le cerveau en bouillie. Je ne dois plus fréquenter ce monde, je dois me créer mon propre univers. Je ne veux pas radoter, devenir plaintive. Je ne ferai plus de bruit, je serais à l'écart, hors de la vie.  Je suis un étron sur le trottoir et j’attends que l’on vienne m’effacer du paysage. 17 Novembre : Je picole encore et toujours. Je crois que le cauchemar va prendre fin mais il ne fait qu’empirer. Les bulles d’alcool me sautent à la gueule et me rendent totalement dépressive. Je suis dans un bar. Je bois des gin tonic. Je suis triste, un verre de gin. Je voudrais oublier, un verre de gin. Je vais peut-être mourir, une bouteille de gin. Je me suis faite violée, une barrique de gin. Je vais retourner à l’hôpital et m’éteindre tout doucement comme un moustique qu’aurait sniffé trop d’insecticide. J’ai envie de vomir et de me rendre malade. Je suis une salope violée et je ne veux plus subir. 18 Novembre : Il fait la conversation tout seul, Basile. Et malgré son prénom de clown, il ne plaisante pas. Je voudrais lui parler et tenir une conversation normale mais je m’enfonce dans le mutisme au fur et à mesure qu’il s’échauffe. Je le comprends un peu, il à réellement dû se demander ce que j’étais devenue, une semaine sans nouvelles, je pense qu’il a appelé mon boulot où on à dû lui dire que j’étais arrêtée pour une période indéterminée. Je n’arrive pas à parler même quand il se tait. Il doit croire que je suis partie avec un autre type sur un coup de tête, que je viens de passer une semaine à faire l’amour dans un hôtel à Venise. Il semble très affecté quand il comprend que c’est fini entre nous. Il pense que je n’ose pas lui dire la vérité pour le préserver mais que je veux le quitter pour un autre. Je suis surprise par sa peine. J’ai toujours du mal à comprendre les sentiments chez les autres.  La manière dont je réagis où plutôt mon absence de réaction l’énerve encore plus. Il doit croire que je m’en fous totalement, et en fait il à raison. Le pauvre ne peut pas comprendre, il n’a pas tous les éléments en main. Il raisonne comme un mec et  se raccroche aux évidences. Un homme croit toujours qu’on le quitte pour de bonnes raisons et que si on ne veut plus de lui c’est pour tomber dans les bras d’un autre. Je ne peux rien lui expliquer et je n’ai pas d’excuses. Je vais le laisser faire ses adieux et  je le plains un peu. Je veux surtout qu’il ignore tout ce qui m’est arrivé. Si Basile connaissait la vérité il s’accrocherait à moi comme une moule à son rocher. Je me dis que ce n’est pas plus mal que ça se finisse maintenant, il fallait que ça cesse. J’attends qu’il finisse son laïus. Il me dit qu’il espère que je serai heureuse avec l’autre type et égrène le chapelet de toutes les conneries que l’on peut débiter dans ce genre de situation.  Faut le laisser parler, le laisser me quitter...19 novembre : Je souffre à en hurler. La nuit, je ne dors pas, des millions de sexes m’assaillent le cul, la bouche, le vagin, partout...Je crie. Je hurle. Mais c’est un mur de béton en face de moi, impossible à affronter. Pendant que je me rhabille, je regarde du coin de l’œil la gynécologue. C’est curieux cette sorte de raideur, elle remplit sa petite ordonnance, on sent que c’est mécanique, que rien ne peut l’atteindre. Son périmètre, c’est sous le nombril, pas plus. Au-dessus, ce n’est pas pour elle. 20 novembre: Là ce soir, je retrouve l’ivresse et la désinvolture, je retrouve ce qui était ma vie avant. Je m’agite comme une dingue pendant tout le concert, ça me fait du bien, je me déhanche sur la musique, je m’en fous pleins les oreilles. J’aime cette énergie, cette musique de guitare saturée, cette envie de voltiger, cette hauteur qui m’atteint...J’aime la dépense de mon corps, la façon de m’abandonnée avec une totale liberté, la sensation que le mal ne peut m’atteindre...J’aime quand je monte sur la scène et que je plonge vers les bras tendus...J’aime quand je danse contre les autres types, quand je prends des coups de pieds et de poings...J’aime quand je deviens une autre, quand la sueur me dégouline tout le long du corps, quand je lève les bras, que j’applaudis...J’aime quand mes jambes galopent sans avancer, quand je saute sur place avec légèreté, que tout cela n’ait  aucun sens, que je me sens bien...J’aime cet instant éphémère fait de quelques chansons, ce pur moment d’énergie... La jeune prend son stylo plume qu'elle aime bien, c'est un peu old school mais c'est ainsi, Elle écrit : 21 novembre :  Encore et toujours les mêmes images, les mêmes mots, toujours cette répétition d’actes identiques, sans passion, froidement...Oui il faudrait changer la musique mais la vie est cette chose mécanique qui recommence chaque matin sans grande subtilité...Oui je suis lasse, de toujours  y penser, de toujours repasser devant mes yeux ces images qui ne s’abîment pas, qui se flétrissent à peine...Je me demande si je fais les efforts nécessaires, si je suis à la hauteur, si je suis aussi forte qu’il y paraît...Tout à coup, je ne veux plus être seule, je ne veux pas que l’on m’encourage, que l’on me porte, que l’on m’aide, comme une présence...Je reprends la vie comme lors de mon séjour précèdent, je reprends les médicaments, le médecin me dit qu’il sentait bien que j’allais faire la bêtise d’arrêter le traitement...Et puis voilà, tout reprend à zéro, j’attends des visites qui ne viendront jamais, je guette des violeurs qui sont déjà loin...Mais moi, je ne les oublie pas...

Commenter cet article