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120 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 120 rue des pyrénées, ma mère entre dans ce qui était ma chambre quand j'étais jeune et dans laquelle je suis revenu depuis quelques semaines. Il est très tôt. J'ai changé mes horaires de travail pour être présent le matin et la nuit. Elle me dit je crois que ton père est en train de mourir. Je me lève, j'enfile mes lunettes, je ne prends pas le temps d'aller mettre mes lentilles ce qui est en général le premier de mes gestes. Mon père pousse des grognements dont je n'arrive pas a savoir si c'est de la douleur ou s'il veut dire quelque chose. Nous restons ainsi quelques minutes. Ma mère se décide a aller préparer le café quand elle comprends que mon père est toujours vivant. Je m'assieds sur la chaise a côté du lit, je prends sa main, il a les yeux grands ouverts, je me demande s'il souffre. Son cœur est celui d'un centenaire m'a dit le médecin, vous savez il me dira avec un demi-sourire un peu triste, il est en pleine forme votre père, hormis son cancer, il est en pleine forme. Justement je me dis, il est tellement en pleine forme qu'il tient le coup, il repousse des limites, il n'abandonne pas. Je me demande s'il souffre, si ces grognements ne sont pas l'expression d'une douleur. Il ne peut plus rien avaler, il semble totalement déshydraté. Dehors il neige, mais l'appartement de mes parents est comme un eden surchauffé. Tous les radiateurs sont poussés au maximum, je pourrais me trimbaler en maillot de bain dans l'appartement tellement il fait chaud. Ma mère revient, je sais qu'elle n'a sans doute pas dormi de la nuit, allongé dans le lit avec mon père. Je sais qu'elle est épuisée. Je me demande combien de temps cela va encore durer. Dans quelques heures mon père sera mort. Dans son lit de l'appartement du 120 de la rue des pyrénées, mon père est mort alors que je n'étais pas là. J'étais parti au travail en fin de matinée. Le soir en revenant du travail, alors que je tanguais dans le métro dans un état vaporeux, alors que je me demandais dans quel état il serait, j'ai vu l'homme mort sur le lit et je me suis dit qu'enfin il ne souffrait plus. Ce n'est pas que je souhaitais sa mort, c'est juste que je voulais un répit pour lui, nos vies sont comme des pointillés sur une immense feuille blanche. Je regardais ce visage encore vivant malgré la maladie et la mort. J'ai pensé que c'était bel et bien fini, et c'est comme si j'étais arrivé en haut de la montagne, à la fin de l'ascension. Il allait falloir entamer la descente maintenant, le reste de la vie ne serait sans doute plus qu'une descente sans fin. Ce n'était pas triste de penser cela, ce n'est pas la proximité de la mort qui me rendait un peu mélancolique. Ma vie n'était pas finie. C'est juste que maintenant il fallait entamer la descente de la montagne. J'ai regardé le visage de mon père. Il était mort.

 

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121 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

J'entre dans l'appartement du rez de chaussée du 121 de la rue des pyrénées. Il y a un peu de bruit dans la cuisine et je trouve ma fille et deux de ses copines que je connais un peu en train de préparer des stocks de nourriture et de boisson au cas ou les russes attaqueraient paris et qu'il faudrait tenir un siège. Salut grand mec elle dit, grosses révisions dans ma chambre ce soir, les filles dorment là, tu t'occupe pas de nous, m'explique ma fille. Okay petit mec, je réponds en me faufilant jusqu'au frigo pour prendre une bière. Vous révisez quoi ? je demande. Latin, m'explique ma fille. Celle-ci a une passion pour le latin qui m'échappe totalement. Ah, dis-je "depilatio podicis". Les deux copines de ma fille dont le nom m'échappe éclate de rire. Ma fille lève les yeux au ciel. Papa, tu ne vas pas commencer ton cinéma, soupire t'elle. La toilette dépilatoire du trou du cul, c'est la seule phrase que tu connaisse en latin ? Nous sommes prêtes a nous réfugier dans la chambre de annouchka, après avoir vidé tout ce qui pouvait se manger et se boire dans son frigo. On doit bosser. Son père arrive et fait le con comme d'habitude. Le gars a 50 ans, on dirait un adolescent. Il nous sort deux mots de latin qu'il a du lire dans un livre. Lina l'aime bien le daron d'annouchka, il a juste 34 piges de plus que nous et il est poil de carotte. Bordel, poil de carotte. Lina lui explique que nous devons réviser aussi l'espagnol. Vous savez ce que me dit tout le temps ma fille, quand je lui pose des questions,  il commence en se marrant. Je sens que ça va être de haut niveau et je ne suis pas déçu. No me quiebres el culo, qu'il récite avec un accent parisien. Grand mec est en forme ce soir, deux mots de latin, cinq d'espagnol, je me demande s'il n'a pas picolé. Dès qu'il y a des gonzesses, on le croirait en représentation. Pourtant il sait qu'il n'a rien a prouver a mes copines, mais c'est un acteur. Papa, je lui dis, tu peux arrêter de jouer au comédien. Tu me traite d'hypokritès ? il demande comme outragé. Grand mec, tu confonds le latin et le grec, je réplique en faisant signe aux filles que nous bougeons direction ma piaule. Je dis au père d'annouchka qu'ils est totalement polyglotte, il se marre, tout a coup il claque des doigts et il me dit que je m'appelle lina. Annouchka et flavie se barrent vers la chambre, flav' n'aime pas le père de nouchka, elle le trouve lourdingue. Moi je le trouve attendrissant, il a bien dégusté, il s'est retrouvé avec annouchka qui avait 2 ans, et il a tout sacrifié pour elle. Il fait 10 ans de moins que son âge. Une petite quarantaine. Après tout j'ai déjà couché avec un gars d'une trentaine d'années et c'était pas si mal. C'était vraiment pas si mal.

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122 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 122 de la rue des pyrénées, assis en tailleur dans son lit, une femme lit l'exergue d'un livre qu'elle vient d'ouvrir : "Ne couchez jamais avec une femme qui a plus de problèmes que vous" lew archer. C'est pas faux se dit-elle, c'est même hyper vrai, si seulement j'y arrivais se dit la femme en pensant a toutes les filles qui ont défilés dans son plumard. Si seulement j'y arrivais. Au 122 de la rue des pyrénées, assis dans un transat sur son balcon, un homme lit un livre de james crumley, voici le passage qu'il lit : " Fils, dit-il sans préambule, ne fait jamais confiance a un homme qui ne boit pas, parce que tu peut-être sur que c'est un bien pensant, quelqu'un qui sait toujours où est le bien et où est le mal." Au 122 de la rue des pyrénées, un homme épluche des poires pour les déposer dans son plat a tarte et accompagner le roquefort. Il écoute une émission sur alain bashung sur france culture, voici ce que ce dernier explique : "Je suis déjà mort plusieurs fois. Je crois au miracle. La force de repartir à chaque fois, on ne la trouve pas seulement en soi, ni auprès d’un autre. Ce mystère me paraît le plus essentiel, ce qui vaut qu’on passe sa vie à le chercher, à le comprendre. Et puis l’idée que l’amour transcende la souffrance. J’ai eu envie de me cramer, d’être maître de mes douleurs, de mes plaisirs, sans emmerder personne. Il y a des souffrances que l’on ne choisit pas. Donner, recevoir, la musique, l’amour, la vie.".  Au 122 de la rue des pyrénées, une femme s'engueule avec son mari, chacun veut avoir le dernier mot. Je ne te comprends pas dit-elle a son mari, je ne te comprends plus et tu sais ce que disait andré breton : "Un philosophe que je ne comprends pas est un salaud".  Son mari hausse les sourcils et lui répond, tu sais que ce que disait hannah arendt ? "Contre l'imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l'avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses. Au 122 de la rue des pyrénées, un homme se verse un verre de jack daniel's et il  pense a cette phrase de lawrence block : "Je vais vous le dire, moi, ce que c’est que d’être alcoolo. Être alcoolo, c’est entrer dans un bar, y voir un panneau où on a écrit Bibine à volonté pour un dollar et lancer : Génial, ça…Donnez-m’en pour deux dollars.". Au 122 de la rue des pyrénées, un homme pleure dans son lit, il relit le message que vient de lui envoyer celle qui lui emballait le coeur, c'est une citation de roberto bolano : "J'aurais bien aimé tomber amoureuse de toi, moi aussi j'aurais aimé vivre avec toi, payer tes dépenses, te faire à manger, m'occuper de toi quand tu tombes malade, mais puisque ça n'a pas été possible, il n'y a rien à faire, il faut accepter les choses comme elles sont, pas vrai ? Mais ça aurait été bien.". 

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