Au 200 de la rue des pyrénées, au sixième étage de l'immeuble qui se dresse, un peu après la place gambetta quand on se dirige vers la rue de bagnolet, au 200 de la rue des pyrénées donc, un homme qui vit au sixième étage de son appartement, debout sur son balcon, un homme regarde la rue, il a envie de se jeter dans le vide, de s'écraser, il a envie, mais sans doute qu'il ne le fera pas encore aujourd'hui, pas encore. Devant le 200 de la rue des pyrénées, le mari qui attend sa femme qui est chez le traiteur chinois pour prendre quelques plats pour le soir, parle au téléphone avec sa maîtresse. Tout en la rassurant, sur le fait qu'il va parler a sa femme, tout en la rassurant, il se demande quels choix il pourrait faire, comment expliquer a sa maîtresse qu'il a besoin de sa femme, comment dire a sa femme qu'il a besoin de sa maîtresse. Une jeune fille descend les escaliers de l'immeuble du 200 de la rue des pyrénées, pourquoi les philosophes actuels ne comprennent pas l'importance de spinoza se demande t'elle, pourquoi se perdent-ils dans des combats crétins, alors que l'ontologie, l'infini, voila ce qui importe chez spinoza. Il faut réellement qu'elle creuse encore et encore, elle n'est pas a la hauteur, elle s'en rend compte, spinoza c'est l'homme de sa vie. Bordel. Au 200 de la rue des pyrénées, un type qui passe dans la rue comprend tout à coup le trou dans ses comptes. Il était tellement bourré l'autre soir, qu'il a totalement oublié, comme il s'est emballé, il a du payer le champagne a toutes ces connes, sans doute des putes, satané contrat avec les russes, heureusement qu'il va faire passer ses conneries en note de frais. Au 200 de la rue des pyrénées, un homme tape le code de l'immeuble 020971 puis il entre dans l'immeuble et ouvre sa boite aux lettres. Le ducru beaucaillou 85 il se dit en regardant le courrier, voila un vin qu'il faudrait mettre en avant; un saint julien de plus de 30 ans a moins de 200 euros, c'est cadeau. Devant le 200 de la rue des pyrénées, un homme fume une cigarette, il pense au premier pelecanos qu'il vient juste de relire. Dehors, la vie est un magma de gris. Un magma de vie.
Le 201 de la rue des pyrénées, ça n'existe pas. Ce n'est pas une adresse. C'est une famille. Une histoire de belleville-menilmontant-paris qui n'existe plus. Au 201 rue des pyrénées, ce vendredi 11 juillet 1941, un homme écrit une lettre. L'adresse écrite sur l'enveloppe est le 93 rue lauriston dans le seizième arrondissement de paris, l'homme de 35 ans qui vit dans cet appartement écrit au siège de la gestapo. Il dénonce un voisin, qui héberge une juive, sans doute sa maîtresse. L'homme espère que son voisin lui aussi, sera embarqué, c'est un type un peu seul, sans famille, en se débrouillant bien, l'homme sera débarrassé de ce voisin et il pourra récupérer l'appartement d’à coté pour avoir tout l'étage. Il écrit de sa plus belle écriture. Une juive habite dans l'appartement voisin du mien. Au 201 de la rue des pyrénées, ce mercredi 8 juin 1983, un homme ouvre une boîte a chaussure et il trouve des photos de son père qui vient de mourir, ce sont des photos d'une autre époque, paris sous l'occupation, il se souvient vaguement vers la fin de la guerre, les tickets de rationnement, les allemands qui occupaient la mairie et comme ils lui faisaient peur, comme il tenait la main de sa grande soeur pour qu'elle le protège. Il se souvient et un frisson lui parcourt l'échine plus de 40 ans après. Il a toujours peur. Au 201 de la rue des pyrénées, en ce dimanche 18 mars, une femme allaite un enfant, dans un appartement qui n'est pas le sien. C'est pas de chance mon amour, ton père a 50 ans elle dit, ton arrière-grand-père a dénoncé les juifs pour obtenir cet appartement, et comme je suis juive, tu es aussi juif. Nous sommes de retour elle dit a l'enfant, en riant, nous sommes de retour elle explique a l'enfant qui tête le sein comme si c'était son dernier repas. Au 201 de la rue des pyrénées, nous sommes le jeudi 7 juin 1923, un homme regarde la flamme de la bougie qui est en train de s'éteindre. Il vit avec ses souvenirs dorénavant, maintenant que sa femme est morte, son amour de la commune, quand en mai 71 pendant ce qu'on appellera plus tard la semaine sanglante il a rencontré celle qui allait devenir son épouse sur une barricade de la rue puebla. Il pleure des larmes de détresse a la lueur de la bougie dans son appartement du 201 de la rue des pyrénées. C'est quand ménilmontant était une commune, maintenant c'est paris. Toute sa jeunesse, tout ce que fut sa vie, son grand amour, tout cela est fini, il le sait, il ne lui reste plus qu'a attendre la mort maintenant qu'il est seul au 201 de la rue des pyrénées. Maintenant qu'il est seul.
L'homme regarde son fils, assis dans le canapé de leur appartement du 202 de la rue des pyrénées. Il réfléchit aux mots que lui a dit son père, qu'il avait peut-être lui même entendu de son propre père. Donc son grand-père. Elle remonte a quand cette tradition familiale ? L'homme regarde son fils, il se demande si cette tradition familiale n'est pas un peu usé, dorénavant, un peu usité. Je ne comprends pas l'idée, je dis au gars. Tu veux que j'écrive quoi ? Alors le gars me regarde dans le blanc des yeux comme ces putains d'éditeurs savent le faire. Entre nous ce sont de petites putes; Je suis vautré dans mon canapé, du dernier étage de l'appartement du 202 de la rue des pyrénées, bordel il croit vraiment que j'ai besoin de fric alors que je suis vautré dans mon deux cent mètres carrés. Tu es un des meilleurs connaisseurs du polar en france, il dit. Bof, je pense, michel lebrun était meilleur connaisseur que moi mais il est mort, guerif est meilleur connaisseur que moi mais il est éditeur, après il reste qui, je me demande, il n'a pas totalement tort le binoclard. Mon connard de daron me regarde comme s'il allait chier. C'est quoi cette connerie de tradition familiale ? Ce type me débecte au fond, j'ai dix sept ans et je suis obligé de venir squatter chez lui une semaine sur deux. Bordel mon père. Bordel ma mère. Bordel la vie. Ça manque de drogues, tout ça, au fond, il se demande celui qui est le plus lourd, de ces deux parents; Sa mère avec ses idées d'étude et d'ascension sociale ou son père avec ces traditions familiales a la con. J'écoute l'éditeur qui m'explique le projet, si je comprends bien c'est d'écrire un article dans le grand hebdomadaire. Tu vois il me dit, une ville, une oeuvre, un article assez littéraire sur un écrivain et une ballade touristique dans la ville. Putain d'idées, je lui dis pas, le mec n'est pas au courant que ça été fait des dizaines de fois. L'homme dit a son fils que la tradition c'est que le père emmène son fils voir des prostituées pour sa première fois. J'ai été avec mon père, comme lui avant moi avec le sien, j'ai été dépucelé par un prostituée, j'avais 17 ans. Le fils regarde son père. C'est pire que ce qu'il pensait. Il va falloir raconter cela a sa mère. Elle va bien rire. Elle est chiante mais au moins elle a comprit. Je me verse un fond de faugères dans mon verre a pied, l'autre con boit de l'eau gazeuse, tu m'étonnes, tout ces cons qui sortent d'école de commerce ne boivent plus que de l'eau gazeuse. C'est chouette, je lui dis, j'ai toujours eu envie d'écrire un article sur gunnar staalesen et sur bergen, bordel je dis a l'éditeur de l'hebdomadaire, j'ai toujours rêvé d'aller a bergen. Tu sais que knausgaard y a vécu assez longtemps lui aussi. Le mec se racle la gorge, ces crétins d'école de commerce se raclent toujours la gorge. Ecoute, tu vas écrire le premier article de la série, il faut une ville qui flash et un auteur qui parle. Entre nous, personne ne connait staalesen et personne ne veut aller en vacances a bergen. Je veux aller en vacances a bergen, je dis. Je dois penser aux annonceurs, il réplique. Je regarde mon père, il est déjà vieux, je regarde les rideaux a la fenêtre de son appartement du premier étage du 202 de la rue des pyrénées. Ecoute papa, j'ai déjà couché avec quelqu'un, peut-être que les temps changent et que l'on commence plus tôt, mais surtout je n'irais pas avec toi voire une prostituée, par ce que je ne suis pas intéressé papa. Si tu t'intéressais un peu plus a moi, tu aurais compris, je crois, ton ex-femme elle a comprit, je n'irais pas coucher avec une prostituée par je suis homosexuel papa, je suis tout simplement homosexuel. Je bois une gorgée de faugères vautré dans un fauteuil de mon appartement du 202 de la rue des pyrénées. Tu vois, reprend l'éditeur d'école de commerce, je pensais a ellroy et los angelès, écrit par toi ça aurait de la gueule. C'est très bien payé, rajoute ce connard. Je me sens las, tout à coup, vraiment las. John harvey et nottingham, je propose, ça aurait de la gueule. John harvey est inconnu et personne ne veut aller a nottingham, Je vais aller a bergen, tu vas me permettre d'aller a bergen, tu m'en a donné l'envie. Je vais tout le temps a los angelès, et tout le monde connait ellroy, staalesen et bergen c'est une putain de bonne idée, j'explique. Staalesen et bergen.
AU 203 de la rue des pyrénées, un homme est assis sur un chaise. Il regarde la bouteille de vodka posé sur la table. Et l'image de celle qui n'est plus là, lui revient. Il fait soleil sur Belleville alors que la place du fantôme est encore chaude de sa présence, je tends la main vers l'emplacement ou elle devrait être et je referme les yeux satisfait de la chaleur qui envahit doucement ma main et mon bras. Je me rendors un peu alors que le soleil essaie de parvenir jusqu’à notre appartement. Je fais chauffer l'eau un peu plus tard, et j'ouvre le placard du rayon enfant pour déposer sur le bar les aliments nécessaire a un réveil harmonieux de la plus belle femme du monde, le chocolat en poudre, le lait, les prince. J'allume la radio pour entendre les mauvaises nouvelles du monde et j'écoute l'eau chauffer dans la bouilloire. La mélodie de l'eau dans la douche se mélange a la voix du fantôme qui de sa petite voix suave chante des chansons que je ne connais pas. La mélodie des oiseaux dans la rue du guigner se mêle a la voix du fantôme qui chante des chansons que je ne connais pas. Le marché bat son plein et les voix des vendeurs qui lancent les soldes comme toujours vers midi parviennent a nos oreilles alors qu'on débouche sur la place du guigner et que le fantôme se retourne pour admirer la maison aux volets bleues. Il faudra que j'aille la revoir madame barris elle me dit et je n'essaie même pas de la dissuader car ce serait comme essayer d'arrêter un semi-remorque lancé sur une autoroute en jetant un peu de gravier sur le bitume. On parcourt le marché de long en large, j'achète quelques trucs, des avocats ce genre de choses, puis on décide d'aller voir la tour eiffel. Le fantôme fait son jogging matinal dans la rue des envierges qui consiste a courir vaguement après des pigeons qui se sont envolés avant même qu'elle se mette a courir vraiment. Je regarde le fantôme qui regarde émerveillé la tour eiffel et je suis émerveillé de son regard. Le soleil traverse les vitres alors que la plus belle femme du monde sirote la meilleure boisson du monde. Pour elle. Personnellement j'ai goûté le breuvage et ça ne m'a pas transporté du tout. Quelques pigeons viennent se poser sur la terrasse comme pour narguer le fantôme. J'ai gâché ta vie me dit le fantôme alors qu'on descend le parc de Belleville, tu m'as bien trop attendu. Je hausse les épaules et je ris. Je hausse les épaules et je ris et je lui dis que je ne l'ai pas attendu. Je ne t'ai pas attendu, tu sais pourquoi, parce que tu étais toujours avec moi. Tu es toujours avec moi.
Il y a une blanchisserie au 204 de la rue des pyrénées, un homme est derrière le comptoir. Il n' a pas une grande passion pour la blanchisserie, il a juste succédé a ses parents qui tenaient la boutique avant lui. Il pense a cette femme qu'il a tant aimé. L'homme noie son chagrin dans les livres. Parfois il relit les lettres que la femme lui écrivait, cette femme qu'il aimait tant, cette femme qui l'aimait tant : " mon amour, je voulais te dire comme je t'aime, comme je te trouve merveilleux. tu sais je n'ai jamais connu une telle tendresse, et une telle force en même temps, je veux dire, tu es tendre et si doux avec moi mais c'est comme si tu ne doutais pas de ton amour pour moi. c'est immense pour moi. vraiment immense. je te trouve à tomber. je te trouve merveilleux. tout ce que tu es m'intéresse. j'aime ce que tu dis, je suis raide dingue de toi. Ce que tu me donnes, je n'en reviens pas et que ce soit toi, toi bordel, si tu savais ce que tu es pour moi, enfin j'en reviens encore moins que ce soit toi. Je suis agitée de pensées un peu terribles et bien noires, mais ça passe. je suis aussi comme ça. c'est surtout que j'ai peur que tu aies mal. ça me flingue. je ne peux pas supporter. je ne sais pas comment faire. si je t'imagine mal, je suis au trente-sixième dessous. ça a toujours été le cas même quand je n'existais pas pour toi. je ne veux pas que tu souffres. et encore moins si je ne suis pas à côté de toi pour te tenir la main. je n'en reviens pas tu sais de ton amour. je n'en reviens carrément pas. j'ai porté mon amour pour toi si longtemps, si longtemps, ce n'est pas pour faire la maligne avec mes six ans, c'est juste que ça a tellement été mon quotidien que je ne partageais avec personne. Je veux dire cette pensée permanente de toi, j'étais comme habitée par toi Je ne me l'explique pas mais c'est comme ça. bien avant que j'existe pour toi, tu m'as aidée à vivre. je sais que je te l'ai déjà dit, je sais que je n'ai fait que l'écrire mais ça fait rien. cet amour maintenant, cette histoire entre nous, ce truc si évident c'est un tel tourbillon, c'est un tel bonheur, je suis totalement bouleversée. et je voudrais marcher à tes côtés toute ma vie. Je t'aime à la folie. ". L'homme relit parfois les lettres que la femme qu'il aimait tant lui écrivait, il ne devrait pas. Il sait bien qu'il ne la reverra jamais. L'homme relit parfois les lettres de la femme qu'il aimait tant, il ne devrait pas. Non il ne devrait plus.
/image%2F1888764%2F20151103%2Fob_ce8c34_tag63.png)
/image%2F1888764%2F20151102%2Fob_216c27_perec-jeune2-300x235.jpg)