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205 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Une femme sort de l'immeuble moche du 205 de la rue des pyrénées, elle a envie de danser, comme chaque fois qu'elle vient ici pour faire l'amour avec son amant, Elle se demande s'il la regarde par la fenêtre, alors qu'elle s'éloigne, elle a envie de danser dans la rue, elle ne le reverra jamais, elle ne le sait pas encore et l'homme qui la regarde s'éloigner par la fenêtre non plus, mais ils ne se reverront jamais, elle a un peu plus de 40 ans, lui pas tout a fait 50. Une jeune fille écrit dans son journal intime, des histoires de jeune fille que je ne peux reproduire ici. Des questions sur la vie, sur la mort, des interrogations, des impressions. La jeune fille a presque 15 ans, elle est amoureuse d'un garçon qui n'en a pas encore 17. Ils ne sortiront jamais ensemble. Jamais. Une femme est assise a la table de sa cuisine, dans son appartement du 205 de la rue des pyrénées, elle se demande comment sa vie a filé, comment tout s'est emballé. Elle se souvient des mains de son mari, de son sourire aussi, et de son optimisme alors qu'il se savait condamné. Elle se souvient qu'il avait 72 ans quand il est mort, alors qu'elle n'en avait que 49. Elle pense a lui chaque jour, chaque instant. Elle pense a lui. Une jeune femme fume, accoudé a la fenêtre de l'appartement du 205 de la rue des pyrénées, elle pense a son cours du lendemain, de la linguistique, avec ce professeur pontifiant comme on en trouve plus qu'a la sorbonne. L'homme revient avec une liasse de billets. Elle se demande combien de temps elle va se prostituer, elle a 21 ans et son client 58. Conbien de temps encore elle va se prostituer. Un homme regarde la femme qui s'éloigne du 205 de la rue des pyrénées, elle descend vers le croisement avec la rue de bagnolet. Il aime cette femme même si elle est déjà marié. Elle ne sera jamais la sienne.  Il ne sait pas que c'est la dernière fois qu'il la voit. Il ne le sait pas. C'est mieux comme ça.

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206 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Au 206 rue des pyrénées, un homme est assis à l'intérieur du café qui donne sur la place gambetta. Il est assis a une table, il sirote un café en regardant les gens qui passent dans la rue devant la vitrine. Il doit lire la lettre, il le sait, il doit lire la lettre que la femme a écrite avant de se suicider. Il doit lire la lettre que sa femme a écrite avant de se suicider :

"Les mots existent-ils pour exprimer la douleur que je ressens ? Je ne le crois pas, et d’ailleurs, même si je les trouvais et leur donnais un sens, même si l’innommable parvenait à prendre forme sur la seule foi de mes descriptions, cela n’aurait aucun sens. C’est comme si, tout à coup, les mots ne devenaient qu’illusions, comme s’il ne restait que de la fumée de mes paroles et de la cendre de mes écrits. Mon traumatisme est profond, une partie de moi-même est perdue à tout jamais, je me regarde m’enfoncer dans les ténèbres. Je me croyais forte et cet acte vient de me réduire en bouillie. Un malaise gluant me colle à la peau. Un peu comme de la moisissure qui pénètre mon corps et ne peut s’enlever. J’ai le dégoût aux lèvres, une douleur qui me ronge, et, comme l’impression que mes dernières ressources de vie se sont épuisées ce soir. Ce qui restait de beau et de vivant s’est éteint. Je ne peux repartir, je le sens, je n’ai pas assez de force pour tout recommencer, tout est déjà fini....Il est impossible que leurs esprits réalisent ce qu’ils m’ont fait subir, il est impensable qu’ils comprennent la douleur infligée, comme si le bourreau ne pouvait ressentir de compassion pour sa victime. J’essaie de canaliser la haine qui traverse mon corps. Celui-ci prend plus rapidement conscience que mon esprit de ce qu’il a subi, le dégoût me remonte, broie toute lumière, dégénère mon âme. Je m’enfonce dans un tunnel où la moindre clarté n’a plus sa place, je deviens folle et le râle de douleur qui sort du fond de ma gorge ne semble jamais devoir s'épuiser. J’ai envie de vomir, de hurler aussi...S’ils savaient comme j’ai envie de déchirer mon âme, fracasser mon corps. Je voudrais annihiler tout ce que reste de vivant en moi et le barbouiller sur des murs d’un rouge vif couleur sang. Des pas résonnent dans ma tête. Je me demande pendant combien de temps je fuirai le corps des hommes. Je voudrais m’allonger à même le sol...Mes larmes n’ont plus le moindre goût...D’avoir si mal, je pense à rester là, sans bouger pendant des jours et des semaines...Ainsi allongée sur la terre, oublier l’inoubliable, vaincre l’invisible, le mal sans visage...Mon esprit tout entier prend conscience de ce qui m’arrive...les corps de ces hommes...Leurs bites, leurs queues bien raides dans mon cul, dans mon sexe...Leur va et vient insupportable...L’agression constante de leurs mots, dits et redits...Ces paroles répétées comme une litanie sans fin...Leur fierté de mâle, leur lourdeur, leur lâcheté...Pourquoi ai-je l’impression d’acquiescer à leurs gestes, les yeux baissés ? La nuit se dresse devant moi, m’envahit totalement...Des heures et des heures plus tard, je presse le temps...l’étreinte de la nuit m’enserre, m’empêche de respirer, comme si elle voulait que je sois consciente de l’emprise qu’elle a sur moi...Je veux que le temps défile à toute vitesse comme un film qu’on ne pourrait empêcher de se dérouler...Je ne bouge plus...Je tremble...Personne ne vient ici...Non personne....Je vomis à l’aube, alors que le jour se lève. Toute cette gerbe qui sort de ma bouche, s’étale à mes pieds... je regarde cette partie de moi-même qui se trouve là, hors de moi..."

L'homme replie la lettre, les yeux dans le vide. L'homme replie la lettre.

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207 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Au 207 de la rue des pyrénées, dans un appartement minuscule, un homme est assis sur son lit avec son ordinateur sur les genoux. Il relit ce qu'il vient d'écrire, un texte adolescent et condescendant. " Tu es arrivé à ce que tu voulais je crois. Tu es de plus en plus en dehors du monde. Tu vas travailler la nuit, c'est mieux, ça t'évitera d'avoir des collègues de travail. Juste un type ou deux que tu croiseras le soir en arrivant et le matin en partant . Plus d'insomnies, c'est génial. Tu t'endormiras au petit matin dans ton lit, en lisant le journal et en mangeant un croissant. Tu ne boiras pas les jours ou tu iras bosser. Tu seras tout seul dans ton petit appartement avec ton milliers de livres et tes centaines de cd. Tu te réveilleras en début d'après midi et tu glanderas tout l'après midi. Et puis le soir, tu prendras deux livres et tu partiras pour ton travail. C'est pas plus mal en fait. Tu n'es pas capable de plus, tu parviens encore à donner le change à ta famille et quelques proches mais tu sens bien que c'est la fin. Les soirs ou tu ne travailleras pas, tu iras boire des verres jusqu'à en tomber. Tu parleras avec la fille affalé sur le comptoir avec les poches sous les yeux. Elle rira trop fort à tes blagues foireuses. En souvenir, tu retourneras à prague et même à bruxelles voire à los angelés. Parfois avant de t'endormir tu verras des visages défilés et même si tu fais semblant, tu sais bien qu'ils vont te hantés toute ta vie. Je ne crois pas que les souvenirs t'aideront à continuer. Peut-être que tu joueras le jeu. Tu n'écriras plus beaucoup ou alors il te faudra boire. Mais ce ne sera plus suffisant, ce ne sera plus apaisant...C’était l’entame de la nuit. Une nuit aux saveurs d’alcool qui se finira à l’aube. Une odeur de cannabis flottait dans l’air. Je me suis installé tout au fond du café, assez loin du comptoir, avec une bouteille de vin sur la table et une fille assise en face de moi. " Tu veux te bourrer la gueule ?" Elle avait parlé d’une voix ingénue. Me bourrer la gueule ? Et puis quoi ? Boire n’est jamais prémédité, ce serait beaucoup trop simple. Les gens croient que l’on décide tout simplement de se biturer et bien non. Vous ne savez jamais ou vous irez, c’est toujours un saut vers l’inconnu. A la millième cuite, vous croyez toujours maîtriser tous ces éléments hostiles qui vous mènent à la déroute. On croit toujours que c’est un petit verre de rien du tout qu’on va descendre et ce n’est jamais à l’avance que vous décidez de finir la soirée entre la vie et la mort. Une cuite, ça ne se prépare pas. J’étais réveillé depuis une petite paire d’heure. J’avais trouvé cette fille dans mon lit. J’étais incapable de me souvenir ce que j’avais fait la veille. Je n’avais pas non plus envie de parler avec cette fille, de savoir d’où elle venait. Nous avions du baiser ensemble car je m’étais réveillé à poil et avec des capotes usagées au pied du lit. Elle paraissait relativement jeune cette fille, sans doute pas beaucoup plus de 20 ans. Je lui ai versé un verre et elle l’a bu cul sec. J’en fus assez déconcerté car les jeunes filles boivent rarement du vin rouge. J’ai failli m’étrangler en buvant mon verre suite à sa nouvelle remarque. " C’est curieux, on à l’impression que le temps est à l’orage mais que ça ne parvient pas à péter." Je me suis versé un nouveau verre en me demandant si j’allais recoucher avec miss météo la nuit prochaine. Boire éteint toutes les lumières rouges qui clignotent dans le cerveau. Tout à coup les solutions sont faciles à trouver. C’est le danger. On se sent tellement fort que l’on est prêt à faire n’importe quelle connerie. On se retrouve à bord d’une deux-chevaux et on croit au volant d’une Ferrari. Le drame c’est quand on essaie de doubler un semi-remorque. "

 

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208 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme se regarde dans la glace de la salle de bains de la chambre du troisième étage qu'il vient de prendre au super hôtel du 208 de la rue des pyrénées. Il se demande combien de temps il pourra rester ici, dans ce fameux super hôtel. L'eau coule du robinet et en même temps qu'il la regarde aller mourir dans le siphon de l'évier, il se demande quel esprit un peu perturbé a appelé le lieu super hôtel. Une jeune fille ouvre un oeil dans un lit d'une chambre de l'hôtel du 208 de la rue des pyrénées, elle regarde la nana qui revient vers le lit après avoir été aux toilettes. Elle a vraiment des beaux seins pour son âge, se dit-elle. La femme vient se recoucher et la jeune fille se tourne vers elle pour l'embrasser. Ses lèvres ont comme un goût de miel. L'homme derrière le comptoir de l'entrée du super hôtel du 208 de la rue des pyrénées, regarde ses comptes sur internet. Sa situation est dramatique, c'est rien de le dire. Il faudra qu'un jour quelqu'un lui explique pourquoi plus on gagne d'argent plus on est endetté. La moitié de ses prélèvements ne vont encore pas être honorés ce mois-ci, et du coup il y a des agios monstrueux. Et son ex-femme qui veut toujours plus d'argent pour l'éducation de leur deux enfants. Il est épuisé. Il cumule deux boulots mais ça ne suffit pas, il ne va quand même pas en prendre un troisième ? Une femme dépose un livre dans sa valise posé sur le lit défait de sa chambre et la referme. Elle doit appeler un taxi pour aller a roissy, et puis ce sera le vol pour bucarest. Elle se demande si elle pourra encore longtemps continuer de fuir, encore et encore, combien de temps elle pourra vivre avec comme seul objectif d'être toujours ailleurs. Est-ce que sa vie ce sera toujours une autre ville, d'autres hommes pour le lendemain ? Oui, ce sera sans doute toujours ainsi, une fuite éperdue, jusqu'au précipice. Un homme regarde la télé, où plutôt il regarde l'écran, un tas de foutre qui est semble t'il journaliste voire rédacteur a paris match et en train de tailler des pipes a assad. Au fond, avant de disparaître de la surface de la terre, l'homme n'aura pas beaucoup évolué, toute sa vie, il restera un admirateur des pseudos hommes forts qui envoient des troupes d'hommes décimés des femmes et des enfants a 50 contre un. Heureusement que je vais bientôt crever se dit il, au moins je ne serais plus témoins de toutes ces atrocités. Une femme termine de se préparer dans la salle de bains de sa chambre du super hôtel du 208 de la rue des pyrénées. Elle est venue dans cet hôtel un peu médiocre et kitsch car il est quasiment place gambetta et c'est le plus près de la mairie du vingtième. Elle rit en pensant a la tête du marié quand il la verra. Un rire un peu triste mais un rire quand même.

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209 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme entre dans un immeuble. Il regarde les noms sur les boites aux lettres. Rien ne sera plus comme avant. Rien ne sera plus. Rien. Les yeux de l'homme défilent sur les noms inscrits sur les boîtes aux lettres. Un femme qui a poussé la porte de l'interphone pour sortir lui dit bonjour alors qu'il lui tourne le dos. L'homme s'arrête sur un nom inscrit sur une des boîtes aux lettres. Une écharpe lui recouvre la presque totalité du visage. L'homme sort une clé de sa poche et ouvre la boîte aux lettres. Il y a un petit paquet l'intérieur. Il le prend et le glisse dans sa poche. Il ne vérifie pas la somme, il regarde juste si ce sont bien des coupures de billets de 50 euros. Dans une autre petite enveloppe il y a un passe magnétique qui lui ouvre la porte de l'interphone. Il ouvre la porte des poubelles et jette les deux enveloppes dans une grande poubelle verte. Il n'est pas nerveux, c'est la première fois qu'il ne ressent même pas cette petite bouffée d'adrénaline. Foutu métier, foutu contrat surtout. Il ouvre encore un porte qui mène aux escaliers, et commence a monter les étages. Le client habite au cinquième. Il ne prend pas l'ascenseur, il ne prend jamais les ascenseurs, il y a beaucoup trop d'impondérables. C'est une des statistiques avec lesquelles il ne peut se permettre de jouer. Bien entendu qu'il y a une chance sur mille, ou même sur un million que l'ascenseur tombe en panne, mais c'est déjà un trop gros risque. Il arrive vaguement essoufflé, il faudra bien qu'un jour, il prenne sa retraite. Faire la somme de son compte en suisse, de l'argent caché en micronésie et puis celui dans une banque de l'ile de man. Il devrait pouvoir y arriver. Mais qu'est ce qu'il va pouvoir foutre, il ne sait rien faire d'autre. La retraite, il ne pensait pas qu'il aurait un jour l'âge pour cela. Il pensait mourir avant. Dans son domaine c'est courant. Sur le palier, il repère la porte, et il entre dans l'appartement sans faire de bruit. L'homme doit dormir, s'il a bien prit ses médicaments, c'est normalement ce qui doit se passer. Mais on ne sait jamais, au dernier moment, avec la peur, il est peut-être rester éveillé a l'attendre. Pas un bruit. Il a bien étudié le plan de l'appartement, il jette un rapide coup d'oeil sur la salle a manger. Vide. Comment disent-ils dans les émissions immobilières a la télé ? Une pièce a vivre. J'en t'en foutrais moi des pièces a vivre, et les autres pièces d'un appartement c'est quoi. La pièce a baiser, la pièce a chier, la pièce a se laver, la pièce a mourir ? Bande de cons. Le pire c'est qu'il regarde toutes ses émissions a la télé, entre deux contrats, parfois le temps est long.  Il n'y a pas de bruit dans l'appartement. L'homme semble avoir prit ses médicaments, en même temps le gars semblait décidé a mourir. Pourquoi ne s'est-il pas suicidé ? Il entend son souffle dès qu'il rentre dans la chambre. Il s'approche sans faire de bruit. Prend l'oreiller et le pose sur le visage de l'homme. Tu parle d'un contrat il se dit alors que son esprit s'évade et qu'un homme est en train d'étouffer sous son oreiller. La première fois que c'est la victime qui lui demande de la tuer. De l'aider a mourir plutôt. Il se demande comment le monde est devenu si dingue. Avant des salauds le payaient pour tuer des gentils, ou l'inverse,  maintenant les gens le paient parce qu'ils ont peur de se suicider. Bordel. Monde de dingue. Il repose l'oreiller a côté de l'homme. Quelques minutes plus tard, alors qu'il sort du 209 de la rue des pyrénées, l'homme se demande s'il va continuer encore longtemps. C'est lassant de tuer les gens, une sorte de routine qui commence a le fatiguer. Foutu métier.

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