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133 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Dans son appartement du 133 de la rue des pyrénées, un vieil homme mange son plat tout simple. Au fond, qu'est ce qu'il y a de meilleur qu'une simple roquette, assaisonné d'huile d'olive, ou l'on jette quelques noix, des copeaux de parmesan, quelques quartiers de pomme et de clémentine. Accompagné d'un verre de ducru-beaucaillou. Le bonheur n'existe pas, et il sait bien qu'il est désormais trop vieux pour y goûter, mais en tenant son verre de vin dans le creux de sa main, et alors qu'il mâche sa roquette et croque une tomate cerise, il comprend que désormais il doit apprécier ses instants de calme et de plénitude. Un soupçon de bonheur. Dans son appartement du 133 de la rue des pyrénées, un vieil homme regarde le plafond. Il voudrait fermer les yeux et mourir, il aimerait crever et pourrir. Comment en vient-on la ? Il a peut-être trop lu cioran, il est devenu un sorte de cynique non achevé, il attend qu'il ne se passe rien, il aimerait ne plus-être, n'avoir jamais été, il aimerait ne plus se poser de questions, ne pas s'en poser. Il aimerait. Dans son appartement du 133 de la rue des pyrénées, un vieil homme essaie de pisser. Il s'est assis a force. A force de regarder ce jet ridicule qui sort de sa quéquette flétrie, il est devenu fataliste. La prostate c'est comme les femmes en fin de compte, on ne doit plus rien lui demander, il y a un moment ou une usure se fait jour, une fatigue, et il ne sert a rien de tirer sur la corde, de parlementer, de vouloir revenir en arrière, il y a un moment ou il ne faut plus discuter. Au 133 de la rue des pyrénées, un vieil homme regarde par la fenêtre. Il se jetterait bien dans le vide mais il habite au deuxième étage, et il n'est pas sur qu'il réussisse son coup. Loser jusqu'au bout, dans la vie comme dans le suicide. Il finirait sa vie dans un asile ou dans un hospice quelconque et ça ne servirait vraiment a rien. Le vieil homme ouvre la fenêtre et fixe le trottoir, il a comme l'impression que le goudron pourrait l'avaler. Mais il ne se jettera pas. Il refermera la fenêtre et retournera s'asseoir dans son fauteuil aussi usé que lui dans son appartement du 133 de la rue des pyrénées.

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134 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 134 de la rue des pyrénées, une femme lit une lettre qu'un homme lui écrivait. Il y a quelques années. Une lettre. "Je tiens ta main dans le vide. Dévide les douleurs de mon âme sur le sable. Le sable que j'inspecte pour chercher les traces de tes pas. Je marche sur les pavés de la ville aux remparts ou j'erre parfois la nuit pendant que les gens dorment. Je tiens la main du fantôme qui vogue sur les flots. Le soleil joue avec les nuages, parfois le vent balaie le sable en un léger tourbillon. Je n'ai pas bu depuis des jours quand je rencontre l'alcoolique sur la jetée. Je n'ai pas vu ma fille depuis des jours quand je la rencontre au coeur de la cité intra-muros. Le tout petit enfant frisé parle dans un téléphone portable. Les nuages passent et repassent dans le ciel. La mer vient mourir au pied des rochers puis repart au loin. Le vent fouette le lieu ou le curé sourd et hémiplégique a taillé des visages pendant des dizaines d'années. Des enfants hurlent dans le petit parc. Le jour se lève. Et puis un autre. Le jour se couche. Et puis un autre. J'attends que le fantôme vienne déposer sa main dans la mienne. Des nuits se couchent sur des vies en sursis. Nous sommes loin l'un de l'autre, si prêt l'un de l'autre. Des cerfs-volants tournoient dans le ciel. Des surfeurs caressent les vagues. Le tout petit enfant court sur le sable. L'alcoolique vacille sur les remparts. L'eau coule entre les pavés. Les bateaux s'effleurent  dans le port. Ma fille me dit on ne te voit plus. Je cherche les voitures qui parlent dans le noir. J'attends le fantôme pour me tenir la main. Nos pieds nus crissent le sable. La marée descendante. Des vies monotones qui attendent un éclair. Nous sommes des conquérants de l'impossible. On s'enfonce dans la mer. Je crois que je n'aurais bientôt pu pied me souffle le fantôme à l'oreille. Je hausse les épaules en regardant la lune pleine. Et puis je tiens sa main plus vigoureusement et on continue d'avancer. Je crois que plus rien ne peut nous arrêter. Plus rien ne peut nous arrêter. Je vais devenir fantôme pour te retrouver. Devenir fantôme et te retrouver." Au 134 de la rue des pyrénées, une femme replie une lettre. 

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135 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 135 de la rue des pyrénées, alors qu'il est allongé sur son lit, je regarde le visage de mon père dont les yeux se sont un peu fermés. Je regarde le visage de cet homme qui sera mort dans quelques jours. Je me demande si l'on sait que c'est la fin quand c'est la fin. Il ouvre un peu les yeux parfois, alors je prends sa main dans la mienne. Je me demande s'il souffre, je me demande s'il sait qu'il sera mort dans quelques jours, je me demande s'il me reconnaît, je me demande s'il a conscience de l'endroit où il se trouve. Je prends sa main dans la mienne et j’exécute un pâle sourire pour répondre à son propre faible sourire. Dehors il neige, de gros flocons tombe sur paris, le balcon de la chambre de mes parents est recouvert de blancs. Je me demande quand mon père sera mort, quand il sera libéré de cette pénible agonie. Je culpabilise un peu en imaginant que c'est peut-être moi, c'est peut-être son entourage qui trouve que l'agonie ne se finit pas, c'est peut-être nous tous qui ne sommes pas capables de gérer la mort qui rôde. Je tiens la main de mon père dans ma main, j'ai l'impression que ce n'est pas arrivé très souvent dans notre vie que nous nous tenions la main. Je me demande si quand je suis né, un peu avant Noël, un samedi comme tous les feignants, je me demande s'il neigeait sur paris. Je regarde l'image de mon père qui se penche sur mon berceau et je devine qu'il prend ma petite pour la déposer dans la sienne. Il fait peut-être le clown, ou il grimace, alors que je hurle à la mort ou que je dors. Quarante ans plus tard c'est moi qui tient la main de mon père dans la mienne. J'imagine qu'il pourrait mourir ainsi, apaisé, j'imagine que cela pourrait arriver mais ça n'arrivera pas. Dehors il neige toujours. Je regarde le visage de mon père alors qu'il dort, alors qu'assis près de son lit, je divague un peu. Parfois mon père ouvre les yeux. Parfois de rares secondes, je me demande s'il souffre, s'il ressent les choses, s'il connaît l'issue. J'ai toujours eu une certaine admiration pour l'intelligence de mon père, une forme de respect pour ce qu'il était. Et là, je suis assis près de son lit, alors qu'il est presque mort, alors que dans quelques jours, il ne respirera plus. Je me dis qu'au fond je ne connais pas mon père, c'est vrai, je ne l'ai jamais compris, je crois que c'était réciproque. J'ai toujours pensé que mes parents n'étaient pas mes parents, j'imagine que c'est une idée à la con que la plupart des ados ressentent. Je suis un enfant adopté pauvre de moi, je suis un enfant dont les vrais parents étaient des gangsters ou des agents secrets. J'ai toujours été assez con. Etude médiocre, immaturité, j'ai l'esprit d'un enfant de douze ans. Et comme tous les enfants sans personnalité, j'ai toujours eu peur de mon père. Alors que je suis assis au bord de son lit et que je le regarde s'éteindre, j'essaie de me souvenir de mon enfance, j'essaie que me revienne comme mon père vivait quand il était jeune. Je ne sais pas. Mon père était déjà assez âgé quand je suis né. C'est comme si je m'étais préparé toute ma vie a le voir ainsi, allongé dans un lit, regardant passer les heures qui le sépare de la mort. Dehors il neige et depuis la fenêtre de l'appartement du 135 de la rue des pyrénées, je regarde les flocons qui tombent.

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136 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 136 de la rue des pyrénées, une femme regarde par la fenêtre de son appartement du quatrième étage  un homme qui fume sur le trottoir semblant attendre quelque chose ou quelqu'un. Elle aimerait bien que ce soit elle, la femme qui regarde par la fenêtre aimerait vraiment bien que ce soit elle. Elle donnerait n'importe quoi pour une cigarette.  Sur le trottoir, en face du 136 de la rue des pyrénées, un homme fume une cigarette. Il ne sait pas qu'une femme le regarde. On pourrait penser qu'il attends quelque chose ou quelqu'un mais non, il est sorti dehors pour fumer, pour ne pas avoir une mauvaise réaction.  Bordel, il faut qu'il quitte sa femme avant de craquer, il faut vraiment qu'il quitte sa femme. Il regarde une belle jeune fille qui sort d'une voiture,  qu'est ce qu'il aimerait être célibataire. La jeune fille sort du uber qui l'a ramené chez elle, bordel, elle sent encore la queue palpitante  dans sa chatte du gars avec lequel elle a couché au petit matin. Il est presque midi, elle espère que sa mère n'est pas a la maison et ne va pas lui prendre la tête. Elle se sent encore un peu ivre, un peu défoncé, il faudrait qu'elle fume un pétard pour s'apaiser. Elle pénètre au 136 de la rue des pyrénées et elle appelle l'ascenseur. Il arrive rapidement, elle s'efface pour laisser passer la vieille femme du deuxième étage, habillée années 70 avec son fichu sur la tête et avec son éternel caddie. Putain il est greffé a son bras. La vieille sort de l'ascenseur, la jeune fille un peu écervelée du quatrième étage s'efface a peine pour la laisser. En traversant le hall de l'immeuble, elle vérifie dans la poche de sa veste si elle a bien sa liste de courses. C'est peut-être cela devenir vieille, écrire sa liste de courses, aller faire ses courses et attendre chez soi que la maladie puis la mort vienne vous retirer le poids de l'existence. Dehors, la rue bruisse de l'activité de la ville, un klaxon, le mouvement des gens, les bruits des pneus qui crissent sur le sol, partout les bruits de la ville, elle se demande comment on peut ressentir autant de solitude au milieu de tout ces bruits, de tout ces gens. Comment peut-on ressentir autant de solitude se demande la vieille femme devant le 136 de la rue des pyrénées ?

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137 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 137 de la rue des pyrénées, l'homme s'est enfermé dans le néant. Il est assis dans la salle d'attente de son médecin, un voisin est venu avec lui pour l'aider. Il va falloir qu'il apprenne plein de choses, comment se mouvoir, comment s'en sortir ? Il va tout les deux jours a l'hôpital des quinze-vingt a bastille, au centre pour les aveugles, il apprend comment peu a peu, devenir autonome. Il est trop vieux pour devenir aveugle, il se sent épuisé et il ne sait pas trop comment s'en sortir. Son ami lui dit qu'il devrait apprendre le braille, ça l'occuperait, car le problème qui se pose quand on devient aveugle a près de 70 ans c'est comment on va s'en sortir. Ses voisins, ses copains, tout le monde est sympa avec lui, mais il est malgré tout seul. Vieillir c'est se retrouver seul avec sa maladie. Il n'est pas sur d'avoir envie de continuer de vivre tout cela. Au 137 de la rue des pyrénées, l'homme se sent fatigué. Il s'est assis contre le mur. Son appartement est tellement pourri que l'humidité dégouline. Il a toujours vécu dehors au fond, il rejoint sa chambre de bonne de neuf mètres carrés seulement pour dormir. L'impression qu'il a toujours vécu dans la rue, qu'il a toujours erré dans le quartier, depuis toutes ces années qu'il a choisi de vivre ainsi. La poste est presque en face, il peut aller voir s'il peut retirer de l'argent, il lui semble que le 9 le rsa est arrivé.  Il n'a plus l'énergie de faire la manche comme il y a quelques années, il doit désormais vivre avec son rsa et son apl, il ne peut plus espérer un petit plus en grattant quelques pièces. Il se sent un peu nerveux depuis quelques temps, depuis qu'il a croisé le regard d'un type qu'il aurait aimé ne pas croiser. Il se lève et traverse la rue des pyrénées pour se rendre a la poste. Sa carte devrait marcher. Oui il pourra retirer. Il gare la voiture devant le 137 de la rue des pyrénées. Un type traverse au passage piéton, un de ces zonards qui trainent dans le quartier. Un précaire alcoolique comme disent ses collègues. Il pourrait aller boire un coup au berbére rock mais il n'a pas le temps, il devrait déjà être au commissariat. Il sort de la voiture, allume une clope, il fait gris sur paris et on dirait qu'il va pleuvoir. Entrer dans l'immeuble, sonner a l'interphone. Prendre l'ascenseur, sonner a la porte. L'autre crétin ouvre la porte avec un bébé dans les bras. Bordel t'es nourrice maintenant je dis au connard. Ma femme est parti faire les courses alors que la gamine dormait. Putain maintenant elle chiale. Je lui glisse deux billets de 50 euros et il part quelques instants avec sa gamine hurlant dans les bras. Il revient et me tend le paquet. Elle est vraiment bonne il me dit. Ce type est un connard et un lâche, il vendrait père et mère pour ne pas aller en taule, mais il faut avouer que ce crétin a de la bonne came. La prochaine fois c'est gratuit, je lui dis, je paie une fois sur deux désormais. Il y a trop longtemps que tu ne m'as pas donné une bonne info. Je lui laisse pas le temps de répondre et je me barre presque en courant pour ne plus entendre sa gamine hurlée. Dans le hall de l'immeuble, je croise la gonzesse du dealer. Je crois que ta gamine a faim, je lui dis alors qu'elle me regarde avec ses yeux de bullot anémié. Je crois que ta gamine a vraiment faim.

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138 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Alors que je descends l'escalier du 138 de la rue des pyrénées, je veux remonter, je me dis que je dois lui parler, lui expliquer que ce n'est pas possible. Nous n'avons jamais vécu en couple mais ça fait plus de cinq ans  que nous sortons ensemble. Ça ne peut pas se finir ainsi, en quelques minutes devant un café, par quelques mots de renvoi, comme un vulgaire employé. C'est toujours après le déroulé des événements que je sais comment me comporter. J'aimerais qu'elle se souvienne de notre voyage à Venise, comme nous étions heureux et comme elle m'aimait et comme on s'embrassait sur les ponts. J'ai encore envie de coucher avec toi, j'ai encore envie de te serrer dans mes bras.  C’est vrai nous n'avons jamais vécu ensemble, mais ça n'empêche pas que nous étions un couple. Je me demande en descendant les escaliers du 138 de la rue des pyrénées si je ne me suis pas fourvoyé tout au long de ces années. J'ai envie de remonter et de lui parler, mais je ne veux plus lui parler, je suis pris entre des feux contraires. Après m'avoir dit qu'elle me quittait, et puisque je ne répondais pas vraiment, elle a commencé la longue litanie des reproches. Elle disait que je semblais toujours absent, toujours ailleurs, toujours un peu perdu dans la réalité. Je ne peux pas lui reprocher de ressentir cela. Je me demande un peu toujours ou je suis, je suis un passager un peu ahuri de ma propre vie. J'ai bien du mal à trouver un sens à mon existence, je ne peux pas en plus donner vie à un couple. Il me semblait que tout le temps où elle parlait, il y avait un type caché dans un placard qui avait écrit son discours, elle semblait récitante d'un autre. Je descends les escaliers, étage après étage, je m'éloigne d'elle, ce n'est pas la solitude ou son absence qui me font peur, c'est ce sentiment diffus que peu à peu je m'éloigne du monde. Je ne pourrais pas l'appeler pour rompre les moments de solitude. Alors que je sors du rez de chaussée et que je me retrouve rue des pyrénées entre le bazar du pakistanais et le restaurant chinois, j'ai l'impression que ma vie d'ermite ne connaîtra plus de rupture. Elle me raccrochait encore un peu à la vie des hommes, le claquement de la porte de son appartement qui se referme claque encore à mes oreilles, c'est comme si elle avait refermé le cercueil de ma sociabilité. Je marche quelques instants sans but traversant la rue de bagnolet comme si je remontais vers gambetta, le sang reflue de mon cerveau, je me demande encore comment mes jambes me portent. Je suis tout seul au milieu de la rue, tout seul au milieu du bruit de la ville. J'allume une cigarette. Ses mots résonnent à mes oreilles encore une fois. Je te quitte. Et le type invisible qui m'a ouvert la porte qui se tient derrière elle, qui tout au long de notre court entretien se tiendra derrière elle. J'ai cru rêver ce type, je l'ai comme qui dirait deviné, peut-être qu'il n'existe pas, peut-être qu'il existe. Je ne suis pas très doué pour ces choses-là. Je me souviens de son coup de fil de la veille, sa convocation chez elle pour le lendemain. Son ton froid et dur, ses manières un peu rustres,  la veille déjà j'aurais dû comprendre, son ton un peu lointain pour me dire qu'il faut que je vienne chercher mes affaires. Je suis un peu abasourdi quand j'arrive dans son appartement et que je vois le sac avec mes affaires dans l'entrée. Elle me fait asseoir à la table, le type que je n'ai jamais vu me sert un café. Elle récite son petit laïus qu'elle semble lire sur un prompteur invisible. Je suis tellement choqué, comme anesthésié par la mécanique bien huilée de la rupture. Figurant d'un ballet qui ne me concerne pas, je repars une fois mon café avalé sans bien comprendre ce qui m'est arrivé. Je pense à nos cinq ans d'amour, nos cinq ans de passion sont réduits à néant pour ce crétin que je ne connais pas, qui peut-être n'existe pas, ce crétin à tête de banquier. Elle n'est plus la même, elle n'est plus elle-même. Bien sur, mon alcoolisme, bien entendu, son hystérie, tout cela ne fut pas la relation la plus calme que nous puissions vivre. Les gens sont ainsi, ils parlent d'émotions mais ils rêvent d'un calme plat. Ses mots me reviennent, ses mots qui disaient, je ne suis plus heureuse avec toi, tu ne veux pas construire, tu ne veux pas d'une famille, tu ne veux pas que nous vivions ensemble. Pourquoi j'ai accepté cette entrevue et pour quelles raisons j'ai accepté de subir cet entretien de débauche. Elle qui parlait, et son garde du corps invisible derrière. Elle pensait sans doute que j'allais m'immoler, me défenestrer. Je n'arrive pas à comprendre les raisons de sa convocation. Elle a égrené les reproches, déjà au téléphone, je te quitte mais passe à la maison chercher tes dernières affaires. Elle m'a raccompagné a la porte, je me souviens comment elle m'a tendu la main pour me dire au revoir. Comme on tend un faire-part.

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139 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Une femme lit la dédicace sur le livre qu'elle entame. Comme tout les livres qu'elle achète, il est d'occasion, et parfois il arrive qu'on trouve un marque page ou des notes écrites sur certaines pages. Elle voulait relire "fuck américa", après qu'elle ai entendu la nouvelle du décès de hilsenrath.  C'était con comme idée mais elle n'avait pas grand-chose a lire hormis le dernier jo nesbo sous influence shakespaerienne. Elle ne l'a pas retrouvé dans sa bibliothèque, du coup elle a décidé de relire le nazi et le barbier qui trônait, a la lettre H, entre tony hillerman et chester himes. Voici la dédicace "Ma chère S., ce livre est une trace, petite, imperceptible, un fugace souvenir, un érosion discrète.". La dédicace n'était pas signée, tu m'étonnes pensa la femme, ça veut rien dire, je comprends que le mec qui a écrit ce ramassis de conneries faussement poétique n'ait pas osé signer. Elle pensait qu'un type avait écrit la dédicace pour une femme. Une idée comme une certitude.  Le jeune homme qui vit au cinquième étage de l'immeuble moche du 139 rue des pyrénées est en train de chercher quelque chose a manger dans son réfrigérateur. Il a allumé sa radio comme tout les dimanches soir a vingt heures, pour écouter le masque et la plume comme son père le faisait avant lui. Il est ravi que ce soit sur le théatre ce soir la. C'est le plus intéressant. Le jeune homme ne va jamais au théatre, il a toujours détesté cela, peut-être un souvenir de l'ennui qu'il ressentait quand ses parents voulaient l'éduquer et l'emmenait voir des pièces trop absconces pour son jeune âge. Il aime le masque et la plume quand c'est consacré au théatre car les intervenants s'engueulent, l'émission est vivante, on ressent la passion du théatre des journalistes. La version cinéma est devenu totalement plate puisque tout les journalistes présents pensent peu ou prou la même chose. Le pire est la version littéraire, les trois zozos qui ont leur rond de serviette a l'émission, beigbeder, kaprielian et viviant ne sont intéressés que par leur nombril et se paluchent sur leur propre ego. La jeune fille recommence sa vision de brandersnatch, le dernier épisode en date de black mirror ou l'on décide plus ou moins de la suite des aventures de l'anti-héros. Son père lui a dit qu'il lisait des livres dans le même genre, il y a 30 ans. Les livres dont vous êtes le héros. Elle a entendu qu'il y avait 5 fins différentes et pour l'instant elle n'en a trouvé que 3. Elle se demande si elle ne pourrait pas intégrer tout ces élèments dans un exercice de philo consacré au destin. Le fameux battement d'aile du papillon. Nos actes déterminaient ils vraiment ce que serait notre vie ? Pouvait on faire beaucoup d'erreur et repartir a chaque fois ? Elle se sentait trop jeune pour répondre a toutes ces questions. La série n'était intéressante que pour ce qu'elle expliquait de l'état d'adolescence. Cette impression d'être acteur d'un film, une sorte de marionnette. Nous voulions juste nous émanciper, et l'émancipation menait a l'inconnu. Cette série semblait vouloir dire qu'il n'y avait plus d'inconnu. C'est ce qui était un peu terrible avec la vie actuelle, l'impression qu'il n'y avait plus d'inconnu.

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