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155 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 155 de la rue des pyrénées, voici ce qui se passe. Un homme qui vient d'y acheter un appartement, trouve un cahier ou un homme qui a vécu ici a écrit un longue lettre a sa fille. Il trouve le cahier bien usé, dans un vieux placard au-dessus de l'entrée. Voici ce qui est écrit :  "Ma toute petite, ma tout petite enfant...Mon petit morceau de moi, d'elle aussi...Ou est ta mère ? Je ne sais plus vraiment, loin si loin, si loin elle est partie, si loin, elle ne reviendra pas, tu le sais je crois, je le sais aussi, et même, même si elle revenait, elle ne serait plus là. Parmi nous. Parmi toi et moi. Elle ne serait plus telle que nous l'avons connu, telle que nous l'avons aimé, telle que nous avons cru qu'elle serait. Nous ne l'avons qu'imaginé je crois ta mère, nous ne l'avons que deviné, qu'espèré . Je me demande parfois si je l'ai vraiment connue, si ce n'est pas une chimère à laquelle je m'accroche. Je me demande tu sais. Mais non, puisque tu m'en parles, ma tout petite, mon adorée. Ta mère a réellement existé puisque tu me demandes souvent ces nouvelles. Ou est-elle me demande tu ? Ou est ma mère ? Je te regarde ma toute petite, mon adorée, je te regarde, je ne sais si j'existe, si tu existes, si ta mère existe, je ne sais pas si nous sommes encore une famille. Si nous sommes dans le champ des possibles, si nous sommes une illusion, si nous existons réellement. Tu ne sais pas toi si ta mère existe ma toute petite, je te regarde qui court de ta démarche mal assurée, je te regarde et je me demande aussi si ta mère existe réellement. Je me demande, souvent, parfois, ce qui nous a réuni un jour, ce que nous sommes encore et toujours, si nous nous sommes mêmes connus. Le jour où j'ai rencontré ta mère, ma toute petite, le jour bien avant que tu naisses, mais pas tant que ça, les jours avant que tu arrives au milieu de nous, parmi nous. Le jour ou je l'ai vu pour la première fois, assise a cette terrasse avec son tee-shirt, un ami à côté d'elle, le jour ou je l'ai vu, j'ai cru voir une autre mais non en fait c'était ta mère. Plus tard, nos ivresses, nos caresses, plus tard. Je me souviens la première fois, ta mère assise à la petite table ronde, sur la petite place en haut de la petite rue, c'était l'été, elle portait un tee-shirt, je ne sais plus sa couleur. Je ne sais plus. Peut-être était-il vert, peut-être rouge, l'ami avec lequel parlait ta mère est parti et je suis resté avec elle. C'est plus tard, dans un autre café, j'ai renversé la table. Je me souviens. Ma toute petite, tu cours sur les quais le long de la seine, je surveille que ta course ne finisse pas dans le fleuve. Je m'émerveille de tes si beaux cheveux et de la façon minérale dont tu ressembles à ta mère, je m'émerveille de cette vie que j'ai donné, je m'émerveille du soleil sur la ville, de la douceur de l'air, de cet agréable petit vent qui souffle sur nos visages. Je t'emmène vers l'île saint louis, je te montre la rue ou ton arrière-grand-père est né. Ensuite nous allons manger une glace chez Bertillon, nous errons un peu dans les petites rues comme des touristes que nous serons éternellement. Plus tard, tu me montres Notre dame, tu me dis j'aimerai aller là-haut, et je te dis quand tu seras plus grande, tu feras ça avec ta mère, c'est une grande randonneuse. Alors tu me demande, elle revient quand maman ? Je me mords les lèvres, me reprochant mon ivresse et de m'être laissé entraîner par ce court moment de bonheur, je me reproche de jouer avec les sentiments d'un enfant.  Je t'emmène parfois sur la tombe de mes parents, au cours de pérégrinations dans le quartier de mon enfance, je t'emmène parfois, je te parle d'eux, de ma mère, de mon père, je te parle un peu de ce qu'ils étaient. Je te montre les endroits ou nous vivions, les appartements du treizième arrondissement ou nous habitions, la butte aux cailles, les petites rues, les maisons. Nous rentrons dans l'église ou mes parents se sont mariés. Ensuite, rentrant à la maison, nous regardons des photos sur des vieux albums. Tu ris de me voir tout petit, nu, tu ris quand je suis assis sur mon pot, fixant l'objectif d'un air pénétré. J'aimais bien ton rire un peu cristallin, un peu étrange, parfois je crois qu'il me rappelait celui de ta mère. Mes amis parfois me disaient de recommencer ma vie, de retrouver une autre fille, avec laquelle je pourrais vivre une histoire d'amour, t'élever. Mais je me mettais en colère, expliquant que je ne pouvais pas trahir ta mère, que je ne pouvais pas me résoudre à l'abandonner. Je sais bien ce qu'il pensait alors, je sais ce qu'ils se disaient au fond d'eux, mais elle ne reviendra jamais...Ils essayaient parfois de me parler, je le vois bien, ils essayaient mais je ne les entendais pas, mais je ne pouvais comprendre, leurs mots et leurs paroles. Alors je repartais de chez eux, un peu plus vieux, un peu plus vouté, un peu plus ailleurs. Je me souviens de la nuit ou tu es née. Près de la maison dans cet hôpital au nom un peu curieux. C'était une nuit, glacée et froide. Tu serais une enfant de l'hiver, comme ta mère, comme moi. Tu serais une enfant venue du froid, tu serais notre enfant de presque noël. Je me souviens de ta mère, à laquelle je tenais la main, je me souviens que je suis rentrée à la maison, et que le téléphone sonnait pendant que je montais les escaliers pour me dire le travail à commencer. Je me souviens que j'ai redescendu les escaliers, les jambes tremblantes, et je suis sortie dehors, je crois qu'il neigeait. Au 155 de la rue des pyrénées, un homme lit ces lignes auxquelles il ne comprend rien. Rien.

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