Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

215 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Au 215 de la rue des pyrénées, un homme se souvient, alors que le père lachaise n'est pas très loin, il pensent a tout ces morts. Ils pense toujours a tout ses morts. A des milliers de kilomètres, ils continuent de tomber et même s'il est vivant, s'il habite dans ce petit appartement au troisième étage, il tombe avec eux. Il relit les notes qu'il a écrites, un peu éparses, là-bas. "Toujours les déflagrations au loin. Celui qui courait près de moi pour se réfugier est mort il me semble, c'est quand j'ai pris l'éclat dans la jambe, le moment ou je suis tombé juste a l'entrée du tunnel. Je suis a l'abri dans le noir, je suis a l'abri alors que le sol vibre, je suis a l'abri alors que les bombes explosent à la surface du sol. Je suis dans le noir. Un autre combattant finit de serrer mon garrot de fortune sur ma jambe. Maintenant il nous faut entendre le bruit des morts, maintenant il nous faut attendre un léger répit. Ma jambe me fait souffrir a chaque fois qu'une bombe explose au sol. Je ressens une douleur mais peut-être n'est ce pas seulement ma blessure, peut-être est-ce la rage alors que celui qui courait près de moi est mort. Alors que tout le monde est mort. Je suis vivant parmi les morts. Errant dans le néant. Allongé dans le tunnel j'écoute le bruit des bombes, je devine les tombes qui s'ouvrent, tous ces corps qui tombent, toutes ces vies fauchées, si j'avais encore des larmes je pourrai pleurer. L'homme près de moi dit tout mes amis sont morts. Je suis fatigué. Tout mes amis sont morts. Disparus. Il faudrait sortir de la ville. Il faudrait quitter cette vie, ne plus prendre part a cette guerre. Mon âme est comme ma jambe, boursouflé, orpheline de ce que fut ma vie d'avant. Je devine ma fille et ma femme qui me regardent dans ce tunnel, se demandant comment je suis encore en vie. Pourquoi je suis encore en vie. Les hommes chantent. Encore et toujours. Ils chante et puis d'autres hommes chantent. Il n'y a plus d'enfants. Il n'y a plus de femmes. Il n'y a plus d'immeubles. Ruines. Il n'y a plus de ruines. Les hommes chantent. Plus de femmes ni d'enfants. Il n'y a plus de rues. Il n'y a plus d'immeubles. La vie n'est plus. La ville n'est plus. Plus d'immeuble, même plus de ruines. Juste des tunnels ou l'on attends de mourir, juste des tunnels ou l'on oublie le jour. Porter les morts, enterrer les morts, opérer les vivants, réparer les vivants. L'ami qui se réveille dans un lit de fortune avec quelques tuyaux qui le recouvrent. Regarder ses yeux qui s'ouvrent. Courir plus tard dans les rues, entre deux bombardements, courir pour éviter les bombes. Courir pour ramasser les corps, courir pour ramasser les blessés, courir tout le temps, le nez en l'air, courir tout le temps. En attendant son tour, en attendant sa mort, en attendant. Le sol qui vibre alors que des barils heurtent le sol, des barils remplis de poudre qui explosent, des barils remplis de clous qui se disséminent partout autour, des barils pour blesser, des barils pour tuer, des barils pour annihiler la vie, des barils pour distribuer la mort, des barils pour la souffrance, des barils, encore et encore des barils, encore et encore des explosions, encore et encore des cris, encore et encore du bruit, encore et encore courir, encore et encore échapper a la mort. Dans mon tunnel, je ferme les yeux quelques secondes, j'oublie la perception de la folie autour de moi, j'oublie la mort et j'oublie tout ce qui m'entoure, je ne sais plus ou je suis. J'aimerais m'échapper encore mais des cris des hommes, le signal qu'il faut bouger met un terme a ma rêverie. Alors je rouvre les yeux. Il faut partir pendant que c'est calme dit une voix autour de moi, il faut partir avant que ça bombarde de nouveau dit une autre voix. Ma jambe me fait souffrir, je me demande si je vais la garder longtemps, je me demande si je vais la perdre, je me demande si demain je serais en vie, si je serais en vie après-demain. Je me demande si je suis encore en vie. Fantôme d'une guerre, errant parmi les errants, ombre parmi les ombres.

Commenter cet article