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261 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme est assis dans un canapé au troisième étage du 261 de la rue des pyrénées, il s'apprête a regarder le premier épisode de la saison 3 de the affair. Il a l'impression que c'est une des meilleurs séries qu'il ait vu dans sa vie. Il n'aime pas les classements ou la hiérarchie que l'on donne aux sentiments, aux événements, aux films et aux livres, mais il sait une chose, c'est une des meilleures séries qu'il ait vu dans sa vie inutile. Une femme lit un livre, assise en tailleur sur son lit dans le petit studio qu'elle occupe au dernier étage du 261 de la rue des pyrénées, le livre qu'elle relit c'est un foster wallace, la fonction du balai. Ce livre l'intrigue, elle sait bien que foster wallace est un immense écrivain et elle se rends compte que lors de la première lecture, elle n'a pas extrait toute la substance du livre. Elle entame donc sa relecture. Une adolescente casse un oeuf dans une eau bouillante dans la cuisine d'un appartement du 261 de la rue des pyrénées. Réussir l'oeuf mollet est toujours une chose compliquée. Alors que le blanc prend, elle se demande ce que sera son futur, rassemble le blanc autour du jaune dans l'eau frémissante, la jeune fille s'interroge, ses deux intérêts dans la vie sont la cuisine et la philosophie et elle ne sait toujours pas vers quelle domaine s'orienter. Un homme repose ses muscles, il vient de terminer ses pompes quotidiennes. Il ne sait pas encore avec quelle fille, il va sortir ce soir. Ce n'est pas très important. L'important c'est de passer une bonne soirée, de bien manger dans un bon restaurant, d'aller boire un verre et puis de baiser pour se détendre. Il n'écoutera pas la femme avec laquelle il passera la soirée, il ne vit que pour lui et ce qu'il ressent. Un homme est allongé sur son lit dans un appartement du 261 de la rue des pyrénées. Le plafond ne l'aide pas dans sa réflexion. Il aimerait se fondre dans son lit, se dissoudre pour disparaître, il est fatigué de vivre, tout simplement. Il a l'impression que le sexe, l'amour, les sentiments, il a l'impression que tout est derrière lui. Tout est derrière lui.

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262 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 262 rue des pyrénées, un type est allongé dans l'escalier. Il se demande comment c'est venu. De tomber ainsi a terre. De se retrouver allongé dans l'escalier de l'immeuble qui se trouve au 262 rue des pyrénées. Il est peut-être mort, il est peut-être vivant, et il est peut-être vivant et mort. Au fond ce qu'il aura été toute sa vie. Vivant et mort. Il ressent une douleur dans ce qui doit être son coeur. C'est ainsi que tout fini, se dit-il alors, une impression de déjà vu, une illusion que l'on va rester éternel. Toute sa vie a penser sa mort, toute sa vie a panser le rien, égarer le néant. Au 262 de la rue des pyrénées, un type est allongé. Il va mourir, il n'en est sans doute pas encore conscient, il s'est effondré d'un coup, il devrait peut-être crier, appeler au secours, il a comme l'impression que son coeur va bientôt cesser de battre. Que ce qui ressemble a sa vie bientôt ne sera plus. La mort n'est pas comme dans les films, on ne voit pas sa crétinerie de vie défiler devant ses yeux, on a juste peur. La trouille. On ne voit pas sa mère, son père, son poisson rouge, on en revoit pas des évènements ou des morts un peu oubliés. Il faudrait qu'il se relève, il faudrait qu'il finisse de descendre l'escalier, il faudrait...

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263 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

 

Au 263 rue des pyrénées, un homme enlève son noeud de cravate. Il retire sa chemise. Au 263 de la rue des pyrénées, voici ce qu'il écrit. " Nous sommes une petite trentaine de personnes à l'enterrement de mon père. Un peu de famille, quelques amis éloignés, son fils unique. Sachant l'aversion de mon père pour la religion, j'ai opté pour cette cérémonie civile qui me semble respecter ce qu'aurait pu être ses dernières volontés. Je n'avais pas parlé de la mort avec mon père, encore moins de la sienne. Il était décédé assez soudainement mais de manière sereine. On l'avait trouvé dans son lit, un livre posé sur sa couverture. D'après le médecin, son cœur s'était éteint paisiblement. Je connaissais presque toutes les personnes assises dans la petite salle du funérarium du père Lachaise, mon géniteur est mort comme il a vécu je me suis dis, de manière effacée et discrète. Passager d'un bateau où il ne voulait pas monter. Navigateur improvisé d'une vie sans doute vaine. Je me demandais toujours ce qu’était sa vie, depuis que je le connaissais, depuis qu'il était apparu dans la mienne. Je ne l'avais jamais considéré comme un inconnu, plutôt comme une connaissance lointaine. J'attendais sagement que le cercueil brûle et qu'on me remette l'urne. Ensuite je devais dire un petit laïus. Je n'avais rien préparé, je n'avais rien à dire. Nos rapports étaient cordiaux mais lointains, et je n'aurais su prononcer que quelques phrases banales sur lui. Il méritait mieux. Je me suis donc levé à la fin de la cérémonie, remerciant les personnes pour leur présence et ne trouvant rien de plus à ajouter. En sortant, alors que le soleil et les nuages livraient une bataille pour s'imposer sur paris, j'ai remarqué une vieille femme qui semblait très tourmentée et qui me dévisageait comme si j'étais une sorte d'apparition. Je me suis demandé si cette femme avait toute sa raison et si elle n'était pas égarée. Peut-être qu'elle venait juste assister aux cérémonies funéraires parce que qu’elle n’avait rien de mieux à faire, ce qui ne me paraissait pas plus incroyable que d'assister à un match de football, peut-être qu'elle connaissait mon père. J'ai ressenti tout à coup une forme de tristesse, comme une nostalgie de ce qui n'avait pas été. Je me rendais compte que je ne savais rien sur mon père, ne connaissais ni ses amis, ni ses habitudes. La proximité que nous avions un peu trouvée depuis que j'étais adulte, n'incluait pas l'intimité. C'est comme si mon père, désormais, devait vivre dans mon souvenir, et comme si, je n'étais pas capable d'animer le film de son existence. Les murs qu'il avait patiemment érigés autour de sa vie, semblait le rendre encore plus lointain." 

 

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264 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme est assis, il pleure. Nous sommes au 264 de la rue des pyrénées, l'homme sait qu'il ne supporte pas les nouvelles qu'il entend, il est assis dans un fauteuil, un ordinateur sur ses genoux. Il a reçu un mail funèbre de son frère, un mail qui raconte le quotidien. Ils ont crus en la révolution, mais personne ne les a soutenu, même en france les révolutionnaires se sont rangés du côté de bachar. L'homme pleure, il lit les lignes écrites par son frère, ses mots qui viennent de l'enfer : Il y a un homme a côté de moi, allongé contre le rebord, il y a un vieil homme qui me dit que ses enfants sont morts, il y a un vieil homme qui répète tous mes enfants sont morts, il y a un vieil homme qui me dit ma femme est morte aussi. Il y a un vieil homme a côté de moi. Je l'écoute qui répète la litanie des morts, l'homme qui pleure et qui égrène le nom de ses morts. Vous vous souvenez je lui dis alors qu'il ferme les yeux, vous vous souvenez comme nous avons fait la fête quand nous avons cru faire la révolution, vous vous souvenez des enfants montés sur les estrades, vous vous souvenez des voix des enfants et des chants. L'homme ouvre les yeux et l'homme me regarde, et l'homme me dit, non je ne me souviens pas monsieur, je ne me souviens plus comment c'était avant la guerre, et je ne veux plus me souvenir, je sais juste monsieur que j'avais une femme et des enfants, et que maintenant ils sont tous morts. Maintenant ils sont tous morts monsieur. Alors je veux lui dire que moi aussi ma fille et ma femme sont mortes, je veux lui dire moi aussi ma famille est morte, je veux lui dire moi aussi ma fille et ma femme sont mortes. Je veux lui dire et je ferme les yeux. Je me souviens de ma fille qui me souriait le matin et les bombes continuent de tomber. Je me souviens des yeux de ma femme qui s'ouvraient au monde chaque matin et les bombes continuent de tomber. Je me souviens de cette harmonie que nous formions tout les trois et les bombes continuent de tomber. Je me rappelle de ton corps, de ta peau caramel, de la saveur fruité de ta chatte dans le petit matin et les bombes continuent de tuer. Je vois tes yeux dans ce tunnel dont je ne sortirais pas vivant, je regarde tes yeux qui me disent qu'ils m'aiment, je tiens la main de notre petite fille et les bombes continuent de tuer.  Je ne suis plus en vie, mon corps est encore vaillant mais mon âme repose sous la terre auprès de ma fille et de ma femme, auprès de tout les autres morts, auprès des milliers et des milliers et des milliers de morts que la guerre a sacrifié. J'entends les enfants et j'entends ma fille qui pleure, j'entends les enfants et je vois le visage de ma fille endormie, j'entends les enfants qui pleurent et j'entends ma fille qui pleure. Je reste ainsi quelques instants, peut-être de longues heures, je reste ainsi attendant que le temps passe, que les bombes tombent, que les cris cessent et reprennent, je suis au milieu des miens, sous la terre, nous sommes enterrés, respirant encore, au milieu d'une hypothétique survie, attendant que la vie revienne, attendant que la guerre cesse. Mais la vie ne reviendra pas, mais la guerre jamais ne s'arrêtera, je n'y crois plus maintenant, je n'y crois plus. Ma guerre est terminée, ma vie est finie, ma fille et ma femme sont mortes. La guerre est terminée.Je berce le corps de ma fille. Morte. Je caresse le visage de ma femme. Morte. Je ne vais pas les rejoindre dans la mort, on reste seul j'imagine. Je caresse le visage de ma fille, je berce le corps de ma femme. Mortes. Je continue de courir sous les bombes, je continue d'avancer dans des tunnels desquels on ne sort jamais, je parle a des murs qui me renvoie un écho que je ne reconnais pas. Le sol vibre sous les bombes. Je veux sortir parmi les ruines, je veux me retrouver a l'air libre, je veux retrouver ma fille et ma femme, je ne veux plus rester terré dans ce tunnel. Je ne veux plus être mort. Je veux respirer au-dehors. Sentir le vent et la pluie. Je veux sortir au-dehors. Rejoindre ma fille et ma femme. Je veux ressortir dehors. Avec ma femme et ma fille.  

 

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265 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Un homme passe l'entrée de l'immeuble du 265 rue des pyrénées, curieusement petite la porte, l'entrée de l'immeuble semble comme coincé entre deux boutiques. Dont l'une s'appelle mistinguett. L'homme entre, longe les boîtes aux lettres et prend la direction de l'escalier pour rejoindre une femme au troisième étage droite. Un adolescent regarde une femme qui lèche les couilles d'un homme sur l'écran de son ordinateur au cinquième étage. Il descend sa fermeture éclair, il lui semble qu'il a envie de se branler toute la journée, il lui semble qu'il n'y a que le sexe dans la vie. Faudrait juste penser a trouver des gonzesses qui sont comme dans les films, qui veulent baiser et baiser encore. Une femme se lève et secoue ses bras et ses jambes pour les détendre après avoir terminé sa séance de yoga au premier étage du 265 de la rue des pyrénées. Elle attrape le petit tapis posé a terre qu'elle enroule et va le ranger dans un placard. Elle ouvre la porte de son réfrigérateur et choisit un jus a base de canneberge, une boisson saine et biologique qui va lui permettre de supporter ensuite les méandres de sa vie professionnelle. Un homme, jeune, mal rasé, bat le rythme de la musique qu'il écoute, les bras heurtant les peaux d'une batterie invisible. Il colle le papier pour parachever le pétard qu'il vient de se préparer. Il a besoin de cela pour entamer la journée qui se prépare, les transports a la con, le boulot de merde, les chefs débiles, enfin tout ce merdier quoi. Une femme sort de son appartement et claque la porte. En fermant la porte a clés de son appartement du quatrième étage du 265 de la rue des pyrénées, elle se dit qu'aujourd'hui au travail, elle va rompre avec son collègue. Un amant, en plus de ses enfants, de son mari, de son boulot, c'est juste plus possible a gérer. S'il le prend mal, elle se fera muter dans une autre structure pour ne plus le voir, ce ne doit pas être difficile. Un homme relit la lettre qu'il a jeté a terre la veille avant de se coucher, cette lettre qui annonce la mort de ce père qu'il n'a jamais connu. Il a rêvé la nuit, et se demande comment on peut encore prévenir les gens par lettre que leur père est mort, il n'a aucune envie de rencontrer cette demi-soeur a l'écriture vieillotte qui lui annonce cette nouvelle inopinée. L'homme frappe a la porte du troisième étage ou une femme l'attends. Mais personne ne vient ouvrir la porte. Il semble que personne ne veuille ouvrir la porte.

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346

Publié le par drink 75

Au 346 rue des pyrénées, dans un tout petit appartement du rez de chaussée, un homme noircit des pages. Ce n'est pas forcément très compréhensible mais voici ce qu'il écrit : " Je suis né a paris, j'y ai toujours vécu, je suis comme qui dirait un parisien qui ne sort jamais de la ville. Je suis un paysan de la cité, un type qui n'est pas capable de sortir de la capitale. Le métro fait partie de ma vie, le métro est en moi, toutes les lignes sont mes lignes, toutes les stations sont mes stations. Ma ligne de métro, c'est la ligne 15, une ligne qui n'existe pas. Il y a 14 lignes de métros à paris, seize si on compte la 3 et la 7 bis. Ma ligne c'est la ligne 15. C'est la ligne de ma vie, c'est ma ligne de vie. Et ça commence par Chevaleret. Je suis né la, à l'angle du boulevard de la gare. Il changera de nom plus tard, il deviendra le boulevard Vincent Auriol. En même temps, c'est vrai que la boulevard de la gare ne menait a aucune gare. Il menait quai de la gare qui lui-même n'était pas le quai d'une gare mais le quai de la Seine. Peut-être avant mais je m'en fous. Je n'ai aucun appétit pour l'histoire, je n'ai pas d’appétence connaître l'origine des noms, des places, des rues, je m'en contrefous. Quand j'avais dix ou quinze ans, le boulevard de la gare est devenu le boulevard Vincent Auriol. Un président oublié de la quatrième république, il faut dire que les présidents de la quatrième république, ils sont tous un peu oublié. Mon premier travail était sur ce boulevard, dans l'hypermarché qui se trouve au métro nationale. Plus tard, un écrivain décrira cet endroit comme un temple de la consommation. J'y ai bossé un mois, c'était l'été j'avais 16 ans. Plus tard, c'est a cette station que je viendrais voir ma mère jusqu'à qu'elle meure un samedi en début d'après-midi. C'est la que j'assisterais à la levée de son corps, à la fermeture de son cercueil, que je monterais dans le fourgon pour l'emmener vers le cimetière. Les Gobelins. Je vivais là au moment ou j'ai eu ma première carte orange. Comme un sésame pour visiter Paris. C'était juste pour aller à l'école jusqu'à Sully Morland, c'était pour s'entraîner a l'avenir, a vivre déjà comme ce que serait ma vie de parisien. Se lever le matin pour prendre le métro et rentrer le soir avec le métro. Ce n'est pas une impression d'asservissement à l'époque, je crois que c'est un peu l'inverse, c'est le début de la liberté. C'est la fin du primaire, c'est le début de la sixième, c'est le moment ou l'on pourra aller seul à l'école, l'instant ou l'on quitte la main de sa mère, le regarde de son père. Cet instant tout a fait fascinant ou l'on sait que l'on va quitter le cocon familial. C'est le collège, c'est le début des boums, c'est les sorties avec les copains, les mercredis après-midi a glander au centre commercial, les premiers films que l'on va voir tout seul. La vie semble inconnu, l'avenir ouvert a des promesses, on ne sait pas encore, on ne devine pas déjà, que la vie sera beaucoup moins drôle que prévu, beaucoup moins détendu. La vie tu crois souvent que ce sera un vendredi soir, avec un week-end remplis de promesses et en fait c'est souvent comme un dimanche soir, un peu glauque, un peu triste, ou tu as l'impression que tu n'as rien accompli de formidable au cours de ce week-end. A l'époque, la carte orange c'était vraiment une carte, dans un plastique. Il y avait encore les premières classes dans le métro c'était tentant, les gens étaient écrasées en seconde et en première tu pouvais te la couler douce, assis sur un siège. C'était tentant.A l'époque, la carte orange c'était vraiment une carte, dans un plastique. Il y avait encore les premières classes dans le métro c'était tentant, les gens étaient écrasées en seconde et en première tu pouvais te la couler douce, assis sur un siège. C'était tentant. Liberté. Ce n'est plus tout à fait paris, c'est une de ces stations de métro qui se situe en proche banlieue. La première fille que j'ai embrassé à la sortie de cette station, nous étions dans la rue de Paris, revenions de la foire du trône qui se situe rue de reuilly non loin de la, et je me souviens que je lui ai pris la main pour la ramener chez elle. Elle s'appelait Christine, elle portait des pantalons de toutes les couleurs avec des kickers multicolores. On marchait dans la rue de Paris, on avait quoi 14 ans peut-être 15. Pour la première fois j'ai mis ma langue dans une bouche inconnue et j'ai ressenti une sensation de bien-être dans le bas du ventre. Je l'ai laissé devant son immeuble et je l'ai regardé monter les escaliers et franchir la porte en verre transparent de son immeuble. Je n'ai jamais embrassé de nouveau Christine, c'est un peu flou dans mon esprit. C'était presque la fin de l'année et nous ne nous sommes jamais vraiment revu. Sully Morland. Mon premier trajet quotidien ce fut gobelins sully morland. Quand j'étais jeune, oui vraiment jeune, sous giscard d'estaing, il n'y avait pas deux branches à la ligne 7. Dans un sens elle allait jusuq'a ivry et dans l'autre sens elle se terminait porte de la villette. J'ai pris très jeune le métro dès mon entrée en sixième, j'allais tout seul à l'école. Tout les jours. A mon entrée en sixième. Ca devait être à la fin des années soixante dix. Des dizaines d'années plus tard, je reprendrais a nouveau le même trajet, pas tout à fait mais presque. La sixième ce fut le début de mon cauchemar scolaire. Une suite d'échec, de ratages, de non réussite absolu. Je ne sais pas pour quelles raisons je n'ai jamais rien fichu à l'école, je crois que je m'ennuyais, déjà. On croit que la vie sera plus drôle une fois l'école terminé, que l'aventure commence, mais en fait, ça ne se passe pas ainsi. L'essentiel du reste de son existence s'avère un effort pour payer des factures grâce à un boulot sans intérêt. Je me souviens que nous laissions passer les métros avec mes camarades de classe pour prendre les nouveaux rutilants. Il suffisait d'appuyer sur un bouton au lieu de soulever le loquet comme sur les anciens wagons de la ligne 7. Belleville. J'aime belleville ménilmontant, ce n'est pas mon quartier d'origine. J'y suis venu tard, comme on vient à une femme qu'on découvre quand la vie est est déjà bien entamé. Comme je suis venu a toi, je me souviens. c'est comme qui dirait mon nouveau quartier. Il me regarde, je lui dis que je viens de la part de madame bidule. Il me semble un peu psychorigide. Je crois qu'il s'en fout surtout. Je suis en train de terminer un polar norvégien, le personnage principal est un alcoolique qui porte des docks, qui fait n'importe quoi, qui couche avec tout le monde et avec personne. Ça me rappelle quelqu'un. Au travail la bonne femme un peu allumée, me dit vous devez être d'origine viking, avec votre tête et votre physique. Elle me dit mon fils est un drogué. Elle doit avoir de la chance votre mère de vous avoir comme fils, elle en a de la chance elle me dit, vous êtes tellement sympa et formidable. Tu m'étonnes je pense, m'avoir comme fils c'est vraiment un truc chouette, faut juste avoir le coeur bien accroché, le portefeuille bien garni, et les sentiments assez discrets. Les douleurs esquissés un peu, la langueur monotone de ton corps, de son corps, de toi de moi de tout les autres. Nos lèvres qui se ne rencontrent pas, nos dents qui ne se heurtent plus. Il restera ça de ma vie, je ne me souviendrais pas de la moitié des filles avec lesquelles j'ai couché, des lèvres que j'ai embrassé, des corps que j'ai étreint. Il ne me restera rien de ma vie. C'est au métro belleville que je t'ai embrassé sur le quai du métro, et je me souviens comme les larmes coulaient sur les joues de ton existence. Nous sortions de ce restaurant pas cher qu'on appelle chez kiki mais qui ne s'appelle pas chez kiki. Il faisait nuit et tard, tu t'appellais Julie comme la moitié des filles nées au début des années quatre-vingt ou au milieu. La soirée agonisait je t'ai dis que j'étais désolé pour ta mère et tu continuais de pleurer et puis après tout je ne suis pas médecin mais je sens qu'elle pourrait guérir. Tu avais un jolie visage comme les aiment les garçons difficiles et il me semblait que tu avais les cheveux trop longs mais il me semble presque toujours que les filles ont les cheveux trop longs. Je crois que je ne t'ai jamais revu ou alors je ne m'en souviens pas. Tu es partie vivre en province je crois, ou peut-être bien que c'est moi. C'est un mystère pour moi que je me souviens de cette scène, je pense que c'était l'été car dans mon souvenir tu portais un tee-shirt des ramones et pas de veste par-dessus." L'homme parfois s'interrompt. Mais il semble parti pour écrire tout la nuit. Il semble ne jamais devoir s'arrêter, comme une frénésie qu'on ne peut arrêter.

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393 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

393 Rue des pyrénées

Dans l'immeuble qui est un peu en retrait de la rue des pyrénées, une enfant lit un livre, elle voudrait pouvoir se battre elle aussi, elle aimerait traverser la cour pour que d'autres filles la regardent avec admiration, elle voudrait juste être un garçon pour embrasser des filles car c'est ce qu'elle veut désormais, embrasser des filles, les serrer dans ses bras. L'année prochaine elle changera d'école pour aller en sixième, et elle espère trouver d'autres filles comme elle, qui préfèrent embrasser des filles plutôt que des garçons, qui ne veulent pas jouer à la poupée ou passer leur temps dans les magasins, elle espère que la sixième sera un nouveau monde ou même si les rapports humains seront plus difficiles, un nouveau chapitre de sa vie pourra s'ouvrir, la porte de l'enfance enfin refermé. Elle semble curieusement confiante en l'avenir. Dans l'immeuble qui est un peu en retrait de la rue des pyrénées, au 393, un homme allongé sur son lit regarde le plus long message qu'il 'ai jamais reçu sur son téléphone, une femme lui demande pardon, il écoute un vieil album des jesus and mary chain très fort sur sa chaine hi-fi, une femme lui demande pardon de son silence, elle lui dit qu'elle va lui rembourser l'argent qu'elle lui doit, elle raconte sa vie pour se justifier. L'homme se rase minutieusement ensuite devant la glace de la salle de bains, la veille au concert il a remarqué a quel point le monde était devenu barbu, tout les types arboraient maintenant des pilosités impressionnantes et des grosses lunettes ad-hoc pour compléter le tableau, du coup il se rase méticuleusement et enfile ses lentilles, l'homme rêve d'une femme qui n'existe plus, qui ne reviendra pas, il se demande si en fin de compte il ne devrait pas rester avec une femme qui ne le comprend pas, ainsi il pourra rester seul en couple, il se rend compte qu'il aimait bien la fille de banlieue juste pour sa fille de 6 ans, comme si seuls les enfants le comprenaient. L'homme n'a plus de rêve d'avenir, il veut juste meubler sa solitude quand l'occasion se présente, il est a cet âge ou le compte a rebours commence, d'une manière diffuse et imperceptible, d'une façon confuse mais sereine. Il n'a plus de rêves au fond, il ne croit plus a l'amour, a dieu, ou autre balivernes. La vraie vie commence, la vie a bien infusé lui semble t'il, et maintenant c'est la vie de l'esprit qui lui succède, une vie intérieure, moins contemporaine, comme si on regardait un film avec soi-même pour personnage principal. D'un oeil extérieur. Dans l'immeuble un peu en retrait de la rue des pyrénées, au 393, un homme dit a une femme, tu veux aller vivre dans le sud vraiment, bordel mais il y a quoi dans le sud ? Canicule en été, inondations en hiver, et maire front national ? C'est ça que tu veux, jouer aux boules avec des gens qui croient qu'ils ont inventé la civilisation parce qu'ils ont un accent à la con. C'est quoi ces rêves d'avenir, ton rêve c'est de vivre dans le sud et bien tu iras toute seule dans le sud, moi je reste ici, va dans ton bled pourri, ou des connards engoncés dans des costards avec couilles apparentes tuent un taureau pour se faire applaudir par de vieilles momies refaites de partout. Va cuire dans ta ville sur ta plage de merde, collés a d'autres cons qui grillent enduits de crême solaire, qui commentent les séries télés de la veille et qui n'ont comme obsession que le temps qu'il fera demain. Bordel le sud c'est ça, oh il fait beau, on a une telle qualité de vie. C'est comme ça que tu vois l'avenir ? Sans moi. Le magasin grolle se situe au pied de l'immeuble sis 393 rue des pyrénées et comme son nom l'indique le magasin grolle vend des chaussures. L'employée est seule dans la boutique, ou aucun client n'est présent, c'est le matin, il n'y a jamais foule, juste après l'ouverture. Elle regarde fébrile son téléphone portable, se demande s'il va l'appeler. Elle partirait ou il voudrait. Au bout du monde. Ailleurs. Il présente bien, il est riche, il semble équilibré. C'est vrai, elle n'a passé qu'une soirée, une nuit (et quelle nuit !) avec lui mais elle sait que c'est le bon. Sa mère lui a toujours dit, tu seras tout de suite que c'est le bon. Sa mère ne rajoutait pas qu'elle avait toujours su que pour le père de la vendeuse de chaussures elle avait tout de suite que ce n'était pas le bon. Il est un peu vieux pour elle dirait sa mère, il a quinze ans de plus, une petite quarantaine mais elle préfère cela la vendeuse du magasin grolle, elle se dit qu'il sait ce qu'il veut et qu'il ne va pas perdre de temps comme les garçons de son âge a elle, a vouloir ci et pas ça, a espérer ce qu'ils n'ont pas, a se prendre pour ce qu'ils ne seront jamais. Elle se demande quand il va la rappeler, parce que c'est sur il va la rappeler. Bien sur, elle l'a rencontré dans un bar, et il dormait a l'hôtel et il repartait pour sa province le lendemain mais il va revenir, il va la rappeler. Elle aurait du prendre son téléphone. mais il lui a expliqué qu'il était en instance de divorce que c'était compliqué, une histoire d'avocat et de juge, il faut mieux que tu ne m'appelles pas. Mais je te rappelle il lui avait promis, je te rappelle et on va se revoir. La vendeuse du magasin de chaussures regarde la femme qui vient d'entrer dans la boutique. Voilà une nouvelle journée qui commence. Elle va attendre qu'il rappelle. Peut-être ce soir. Ou ce midi. Oui pendant sa pause déjeuner ce serait bien. Ce midi.

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