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impair

209 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme entre dans un immeuble. Il regarde les noms sur les boites aux lettres. Rien ne sera plus comme avant. Rien ne sera plus. Rien. Les yeux de l'homme défilent sur les noms inscrits sur les boîtes aux lettres. Un femme qui a poussé la porte de l'interphone pour sortir lui dit bonjour alors qu'il lui tourne le dos. L'homme s'arrête sur un nom inscrit sur une des boîtes aux lettres. Une écharpe lui recouvre la presque totalité du visage. L'homme sort une clé de sa poche et ouvre la boîte aux lettres. Il y a un petit paquet l'intérieur. Il le prend et le glisse dans sa poche. Il ne vérifie pas la somme, il regarde juste si ce sont bien des coupures de billets de 50 euros. Dans une autre petite enveloppe il y a un passe magnétique qui lui ouvre la porte de l'interphone. Il ouvre la porte des poubelles et jette les deux enveloppes dans une grande poubelle verte. Il n'est pas nerveux, c'est la première fois qu'il ne ressent même pas cette petite bouffée d'adrénaline. Foutu métier, foutu contrat surtout. Il ouvre encore un porte qui mène aux escaliers, et commence a monter les étages. Le client habite au cinquième. Il ne prend pas l'ascenseur, il ne prend jamais les ascenseurs, il y a beaucoup trop d'impondérables. C'est une des statistiques avec lesquelles il ne peut se permettre de jouer. Bien entendu qu'il y a une chance sur mille, ou même sur un million que l'ascenseur tombe en panne, mais c'est déjà un trop gros risque. Il arrive vaguement essoufflé, il faudra bien qu'un jour, il prenne sa retraite. Faire la somme de son compte en suisse, de l'argent caché en micronésie et puis celui dans une banque de l'ile de man. Il devrait pouvoir y arriver. Mais qu'est ce qu'il va pouvoir foutre, il ne sait rien faire d'autre. La retraite, il ne pensait pas qu'il aurait un jour l'âge pour cela. Il pensait mourir avant. Dans son domaine c'est courant. Sur le palier, il repère la porte, et il entre dans l'appartement sans faire de bruit. L'homme doit dormir, s'il a bien prit ses médicaments, c'est normalement ce qui doit se passer. Mais on ne sait jamais, au dernier moment, avec la peur, il est peut-être rester éveillé a l'attendre. Pas un bruit. Il a bien étudié le plan de l'appartement, il jette un rapide coup d'oeil sur la salle a manger. Vide. Comment disent-ils dans les émissions immobilières a la télé ? Une pièce a vivre. J'en t'en foutrais moi des pièces a vivre, et les autres pièces d'un appartement c'est quoi. La pièce a baiser, la pièce a chier, la pièce a se laver, la pièce a mourir ? Bande de cons. Le pire c'est qu'il regarde toutes ses émissions a la télé, entre deux contrats, parfois le temps est long.  Il n'y a pas de bruit dans l'appartement. L'homme semble avoir prit ses médicaments, en même temps le gars semblait décidé a mourir. Pourquoi ne s'est-il pas suicidé ? Il entend son souffle dès qu'il rentre dans la chambre. Il s'approche sans faire de bruit. Prend l'oreiller et le pose sur le visage de l'homme. Tu parle d'un contrat il se dit alors que son esprit s'évade et qu'un homme est en train d'étouffer sous son oreiller. La première fois que c'est la victime qui lui demande de la tuer. De l'aider a mourir plutôt. Il se demande comment le monde est devenu si dingue. Avant des salauds le payaient pour tuer des gentils, ou l'inverse,  maintenant les gens le paient parce qu'ils ont peur de se suicider. Bordel. Monde de dingue. Il repose l'oreiller a côté de l'homme. Quelques minutes plus tard, alors qu'il sort du 209 de la rue des pyrénées, l'homme se demande s'il va continuer encore longtemps. C'est lassant de tuer les gens, une sorte de routine qui commence a le fatiguer. Foutu métier.

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211 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Un homme marche lentement devant le 211 rue des pyrénées. Très lentement. Comme pour se souvenir de tout ce qui s'est passé dans cet immeuble. Un homme marche très lentement devant l'immeuble moche du 211 de la rue des pyrénées. Comme il a joui dans un appartement de cet immeuble. L'amour qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. L'amour qu'elle ressentait pour lui. L'amour qu'il ressentait pour elle. L'amour de l'un et de l'autre, il s'en souvient bien, l'amour pour de l'un pour l'autre, l'amour de l'autre, dans cet appartement du 211 de la rue des pyrénées, et comme ils étaient tout l'un pour l'autre. Il se souvient comment il a joui, en elle, et comme elle criait en le chevauchant. Il se souvient de tout. Chaque jour. Chaque matin. Chaque soir. Il se souvient de tout, de leurs étreintes, de leurs baisers, de tout ce qu'ils sont pour l'un et pour l'autre. L'homme marche lentement comme s'il voulait rester devant le 211 de la rue des pyrénées. Ou son âme est restée. Ou son coeur est resté. Ou son corps est resté. Il ne marche plus devant le 211 de la rue des pyrénées. Il veut y rester. Il veut retrouver la femme qu'il a tant aimé. La femme qui l'a tant aimé. Il veut la retrouver. Il veut rester devant le 211 de la rue des pyrénées, il veut rester. Il veut y retourner. Devant le 211 de la rue des pyrénées. Et ne plus en bouger, non il ne veut plus en bouger, jamais. Il s'allonge sur le trottoir. Il ne veut plus jamais partir du 211 de la rue des pyrénées, et rester en elle. Celle qu'il aimait. Rester en elle.

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213 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Je suis chez mon copain qui vit au 213 rue des pyrénées. Je lui dis que je le vois peut-être pour la dernière fois, et déjà, j'ai l'impression qu'un voile se dresse entre lui et moi. Je passe le voir assez souvent, c'est curieux, depuis que je sais que je vais perdre la vue, je ne fais que déambuler. Voir mes amis, revoir paris, j'ai l'impression d'une sorte de chant du cygne avant de rejoindre les ténèbres. Comme si, je voulais tout voir avant de ne plus. On sort dehors avec mon copain, on se met en route vers la rue de bagnolet, on pense aller s'en jeter un dans un rade quelconque, je lui prends le bras car avec le temps pluvieux et gris, je préfère me tenir a lui car je n'y vois déjà plus très bien. C'est fou, il me dit, tu auras attendu 60 ans d'amitié pour me tenir par le bras et nous rions; comme deux petits vieux, en descendant la rue des pyrénées. C'est la que nous nous sommes connus, a l'école qui est beaucoup plus haut, vers la rue de ménilmontant. C'est curieux ce sentiment que j'ai, de tout qui s'éloigne, de cette sensation que je vais comme qui dirait mourir, de cette sorte de bilan. C'est seulement que je perds la vue. J'essaie de me dire que je vais commencer une nouvelle vie, apprendre a marcher dans le noir, apprendre a me déplacer, apprendre a lire le braille. Je regarde les immeubles, les gens, les animaux. J'ai l'impression que tout s'éloigne. Je tiens le bras de mon copain, comme si je n'y voyais plus déjà. Je tiens le bras de mon copain.

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215 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Au 215 de la rue des pyrénées, un homme se souvient, alors que le père lachaise n'est pas très loin, il pensent a tout ces morts. Ils pense toujours a tout ses morts. A des milliers de kilomètres, ils continuent de tomber et même s'il est vivant, s'il habite dans ce petit appartement au troisième étage, il tombe avec eux. Il relit les notes qu'il a écrites, un peu éparses, là-bas. "Toujours les déflagrations au loin. Celui qui courait près de moi pour se réfugier est mort il me semble, c'est quand j'ai pris l'éclat dans la jambe, le moment ou je suis tombé juste a l'entrée du tunnel. Je suis a l'abri dans le noir, je suis a l'abri alors que le sol vibre, je suis a l'abri alors que les bombes explosent à la surface du sol. Je suis dans le noir. Un autre combattant finit de serrer mon garrot de fortune sur ma jambe. Maintenant il nous faut entendre le bruit des morts, maintenant il nous faut attendre un léger répit. Ma jambe me fait souffrir a chaque fois qu'une bombe explose au sol. Je ressens une douleur mais peut-être n'est ce pas seulement ma blessure, peut-être est-ce la rage alors que celui qui courait près de moi est mort. Alors que tout le monde est mort. Je suis vivant parmi les morts. Errant dans le néant. Allongé dans le tunnel j'écoute le bruit des bombes, je devine les tombes qui s'ouvrent, tous ces corps qui tombent, toutes ces vies fauchées, si j'avais encore des larmes je pourrai pleurer. L'homme près de moi dit tout mes amis sont morts. Je suis fatigué. Tout mes amis sont morts. Disparus. Il faudrait sortir de la ville. Il faudrait quitter cette vie, ne plus prendre part a cette guerre. Mon âme est comme ma jambe, boursouflé, orpheline de ce que fut ma vie d'avant. Je devine ma fille et ma femme qui me regardent dans ce tunnel, se demandant comment je suis encore en vie. Pourquoi je suis encore en vie. Les hommes chantent. Encore et toujours. Ils chante et puis d'autres hommes chantent. Il n'y a plus d'enfants. Il n'y a plus de femmes. Il n'y a plus d'immeubles. Ruines. Il n'y a plus de ruines. Les hommes chantent. Plus de femmes ni d'enfants. Il n'y a plus de rues. Il n'y a plus d'immeubles. La vie n'est plus. La ville n'est plus. Plus d'immeuble, même plus de ruines. Juste des tunnels ou l'on attends de mourir, juste des tunnels ou l'on oublie le jour. Porter les morts, enterrer les morts, opérer les vivants, réparer les vivants. L'ami qui se réveille dans un lit de fortune avec quelques tuyaux qui le recouvrent. Regarder ses yeux qui s'ouvrent. Courir plus tard dans les rues, entre deux bombardements, courir pour éviter les bombes. Courir pour ramasser les corps, courir pour ramasser les blessés, courir tout le temps, le nez en l'air, courir tout le temps. En attendant son tour, en attendant sa mort, en attendant. Le sol qui vibre alors que des barils heurtent le sol, des barils remplis de poudre qui explosent, des barils remplis de clous qui se disséminent partout autour, des barils pour blesser, des barils pour tuer, des barils pour annihiler la vie, des barils pour distribuer la mort, des barils pour la souffrance, des barils, encore et encore des barils, encore et encore des explosions, encore et encore des cris, encore et encore du bruit, encore et encore courir, encore et encore échapper a la mort. Dans mon tunnel, je ferme les yeux quelques secondes, j'oublie la perception de la folie autour de moi, j'oublie la mort et j'oublie tout ce qui m'entoure, je ne sais plus ou je suis. J'aimerais m'échapper encore mais des cris des hommes, le signal qu'il faut bouger met un terme a ma rêverie. Alors je rouvre les yeux. Il faut partir pendant que c'est calme dit une voix autour de moi, il faut partir avant que ça bombarde de nouveau dit une autre voix. Ma jambe me fait souffrir, je me demande si je vais la garder longtemps, je me demande si je vais la perdre, je me demande si demain je serais en vie, si je serais en vie après-demain. Je me demande si je suis encore en vie. Fantôme d'une guerre, errant parmi les errants, ombre parmi les ombres.

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217 Rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Un homme se verse une vodka dans un petit verre, il est assis sur un canapé de son appartement du 217 de la rue des pyrénées, il boit la vodka a température ambiante, comme il a toujours vu faire des les pays de l'est. Il n'a jamais vraiment compris pourquoi en france, les gens déposaient leur bouteille de vodka dans un congélateur. L'homme se demande pour quelles raisons il picole ainsi, seul, l'homme se demande vraiment pourquoi. Une femme entre deux âges, une femme entre deux vies, une femme fume une petite cigare a la fenêtre de son salon de son appartement du 217 de la rue des pyrénées. Son visage se perd dans la rue stendhal en face, elle regarde la jeune fille qui marche avec grâce, comme une sorte de chorégraphie dans la rue. Au premier étage de l'immeuble du 217 de la rue des pyrénées, un homme pose le livre de nouvelle de marc dugain qu'il est en train de lire. Il se lève, se rend dans la petite cuisine puis se verse un verre d'eau gazeuse après avoir prit dans son réfrigérateur la bouteille qui est posée a côté de sa dose d'epo. Il se sent fatigué et las, il pense désormais qu'il ne va pas survivre, il se demande juste quand ça va devenir intolérable, quand est ce qu'il ne pourra plus vivre ici, tout seul. Combien de temps encore ? L'enfant regarde le miroir et son propre reflet au 217 de la rue des pyrénées, il n'aime pas ce début de moustache. Il aimerait dire a sa mère qu'il ne n'est pas très bon pour danser des trucs des années soixante. Il  n'est pas celui que tu voudrais qu'il soit. Ben ouais pas celui que tu voudrais qu'il soit. Je suis au 217 de la rue des pyrénées et je me demande ce que tu deviens. Je me demande vraiment ce que tu deviens.

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219 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

Au 219 de la rue des pyrénées, dans l'immeuble qui jouxte le 221, un homme est assis, les yeux dans le vide, il pense a toute ses années, comme le quartier fut, il se souvient de ses jeunes années. La nostalgie le gagne, et il s'enfonce un peu plus dans son fauteuil dans l' appartement du 219 de la rue des pyrénées ou vit sa fille. Une jeune fille lit un livre de colas gutman dans la chambre de l'appartement du 219 de la rue des pyrénées ou elle vit avec ses parents, elle est allongée sur son lit, elle aime les livres de colas gutman, c'est de la littérature jeunesse mais ce n'est pas mièvre. Bientôt elle aura 10 ans, elle se demande comment ça fait d'avoir dix ans. L'homme assis dans son fauteuil, pense à la conversation qu'il a eu avec son médecin, il se demande quand donc les souvenirs vont s'effacer. Un jour il ne se souviendra plus de son enfance, de la rue vilin, un jour il ne se souviendra plus, du quartier de son enfance, de cette période ou ils ont tout rasés, du parc de belleville qui a tout recouvert. Un jour il ne se souviendra plus. L'enfant repose le livre. Ou est-ce qu'elle sera dans 10 ans, quand elle fêtera ses 20 ans. Et dans 20 ans, quand elle fêtera ses 30 ans. L'avenir la fascine. Elle aimera que le temps passe, grandir, partir de cette maison, vivre a l'abri du monde et lire tout les livres qui existent et qui paraissent. L'homme se lève de son fauteuil, il se dirige vers la chambre de sa petite fille. Il se demande pendant combien de temps il va se souvenir que c'est sa petite-fille en la voyant ? Il faudra qu'il s'occupe des papiers pour que son appartement de la rue de la mare soit la propriété de sa fille. Ainsi quand il mettra fin a ses jours, quand il sera devenu poussière dans une petite boîte sis au père lachaise, tout sera en ordre. On toque a la porte, et l'enfant dit entrer. Son grand-père lui sourit pourtant il semble ailleurs, un peu comme elle. On y va il demande. Il y a 10 minutes a pied pour aller a tenon, voir sa petite soeur qui vient de naître, voir sa mère qui vient d'accoucher. Voir connard de beau-père aussi. Elle sourit. Essaie de garder le sourire de ta petite-fille de 10 ans, il se dit, en lui disant de se préparer. Garde le sourire de l'enfant jusqu'a la fin. Ou presque.

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223 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 223 de la rue des pyrénées, un homme dort allongé sur le trottoir. Non il somnole. C'est le matin, il est allongé sur un amas de carton. Il écrit une lettre dans sa tête a sa fille qu'il ne reverra sans doute jamais. "Je dois te parler mon enfant. Essayer d'expliquer. Te dire comme nous t'avons souhaitée avec ta mère. Te raconter comme nous nous sommes battus, déchirés, interrogés, comme nous t'avons physiquement désirée. Je veux que tu saches. Je veux que tu comprennes. Tu sais, aujourd'hui encore, quand je pense à ta mère, je pense à toi. A moi aussi parfois, au bonheur de tous les instants. A celui que j'ai failli être, à celui que je ne serai jamais. Ta mère avait attendu 40 ans pour être enceinte. Arrêter de boire, arrêter de fumer, arrêter de sortir, d'errer dans la nuit. Je veux que tu saches ma petite, ma toute petite enfant, ta mère a fait tellement d'efforts. C'était comme si toutes ces années de grisailles, d'esprits qui se dévorent, comme si toute la douleur empilée, comme si le malheur se dissipait. Je me souviens comme tu bougeais dans le ventre de ta mère, et parfois dans la nuit, pendant que ta mère dormait d'un sommeil agité, je me souviens avec précision que je me penchais et que je te murmurais des paroles apaisantes à travers son ventre. Je me souviens de la fatigue de ta mère quand il fallait monter les escaliers pour remonter à notre appartement, je me souviens quand elle s'asseyait sur les bancs dans la rue, et comme elle caressait son ventre, comme elle te berçait pour que tu t'endormes. J'ai le souvenir aussi de ses colères, aussi soudaines que courtes, je me souviens de ces moments où elle se tournait vers moi et me disait sa fatigue et sa peur en l'avenir. Je la prenais dans mes bras et parfois elle pleurait. Je caressais son beau visage et je lui disais que tout irait bien, que nous serions heureux tous les trois. Nous avons acheté une voiture, juste avant que ta mère accouche, pour le présent et pour l'avenir. Je me fichais de cette voiture, c'est juste ce qu'elle représentait qui me fascinait, l'avenir, nous trois, notre vie. Je me souviens j'étais heureux de cela, ne sachant rien de l'avenir pourtant, n'ayant aucune certitude. Mais je tenais les clés à la main et je les regardais, comme on regarde un trésor. Je t'ai imaginée à l'arrière, riant, pleurant, chantant. Je t'ai imaginée ma toute petite. Et j'ai versé une larme. Tu seras une fille au prénom impossible. Je n'ai pas voulu contrarier ta mère, elle avait de drôles d'idées sur les prénoms, mais je m'en fichais un peu. Tout à la joie de ton arrivée. Je ne sais où elle avait déniché ce prénom totalement saugrenu. Ma toute petite, ma toute belle enfant, toute de sucre et d'orge, de cannelles et de couleurs, mon enfant je t'appelais différemment. Je ne parvenais pas à prononcer, ingérer, comprendre ce prénom. Je dirais ma toute belle, ma toute petite, mon bel amour, je t'appellerai autrement. Tu me souriras. Je te parlerai de tes grands-parents, de mes parents, ils ne seront plus là pour t'admirer, alors je te parlerai d'eux. Te montrerai des photos. Tes autres grands-parents seront encore là, pour te raconter  leur histoire, pour te raconter ton histoire. Le pays d'où ils viennent. La chaleur de leur voix et de leur accent te réchauffera le cœur. Mon amour. Tu seras comme un lien entre ta mère et moi, comme un pont pour relier nos deux solitudes antagonistes. Ma toute petite, mon bel amour, mon adorée je cherche encore les mots pour exprimer l'amour que j'ai eu pour toi. Que j'ai eu ? Que j'ai ? Cet amour oh mon amour, cet amour tu ne peux pas le deviner. Tu ne le connaitras jamais. Ce n'était que toi, que ta mère et que moi. Juste nous. Elle et moi. Et toi ou étais-tu ? Je t'ai cherchée longtemps, si longtemps, au bout du monde, au bout du vide. Je me penche par la fenêtre du train, je m'immerge dans la langueur automnale, dans le mi-froid du début de la matinée. Je regarde les enfants qui se vont à l'école. Je me demande où tu vas à l'école, à quelle heure tu te prépares, comment tu t'éveilles, comment tu t'endors la nuit. Ou es tu ? As-tu seulement existé mon enfant, as-tu seulement vécu, es-tu seulement sortie du ventre de ta mère. Je me noie quand je pense à toi tu sais. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, je ne parviens pas à vivre. Loin de toi, je suis loin de moi tu sais. Loin de tout. Je veux vivre pour toi, pour moi, pour tous les autres. Pour ce que nous sommes et ce que nous ne serons pas. Je veux m'immerger dans la vie, je veux te prendre pas la main et t'emmener, loin de toute cette civilisation. Un petit sourire sur tes lèvres, un cœur qui bat un peu plus fort. Je veux t'emmener sur la grande roue à Pokhara, voir le manège de petit pierre. Je veux, que tu ris, que tu pleures, que tu t'émeuves. Je veux que tu sois vivante ma toute petite. Je veux que tu sois encore parmi nous, je veux que ta mère soit en face de moi et me regarde amoureusement. Je veux que tu prennes ton rond de serviette à table. Je veux tout cela. Pourquoi tu n'es plus la ? Pourquoi ta mère n'est plus ici ? Je t'aurai emmenée parfois, tu aurais mis ta main dans la mienne, nous serions allés au jardin de Belleville, tu aurais sauté dans l'eau de la fontaine, ou alors nous aurions fait le tour du lac au parc Montsouris, ou alors nous aurions couru dans le parc des Buttes-Chaumont en tombant et roulant dans l'herbe. Nous aurions mangé une glace au printemps, je me souviens, nous aurions un peu marché et tu aurais râlé car tu aurais eu mal aux pieds et tu aurais commencé à chouiner pour que nous prenions le métro. Tu aurais dit papa, sois raisonnable, je marche déjà assez avec maman. Alors comme tu étais mon enfant unique, et peut-être parce que tu étais la seule, je t'aurais prise dans mes bras, et j'aurais dit d'accord on prend le métro. Dans le wagon, tu tournerais autour de la barre, tu danserais autour en riant, et les autres passagers te regarderaient, admiratifs de ton bonheur et ta joie de vivre, de ton corps souple et gracile. Puis fatiguée, tu t'assoirais sur mes genoux et me demandant ce qu'on ferait à la maison. Si maman nous rejoindrait. Tu sais bien qu'elle est en voyage je dirais. Le soir avec la fatigue, tu pleurerais un peu en disant pourquoi ma mère est toujours en voyage, pourquoi elle m'abandonne. Je te regarderais un peu désemparé. Sans savoir que te dire. Tu t'endormirais ta main dans la mienne. Je serais un peu triste aussi, de l'absence de ta mère. Ma toute petite, ma tout petite enfant...Mon petit morceau de moi, d'elle aussi...Ou est ta mère ? Je ne sais plus vraiment, loin si loin, si loin elle est partie, si loin, elle ne reviendra pas, tu le sais je crois, je le sais aussi, et même, même si elle revenait, elle ne serait plus là. Parmi nous. Parmi toi et moi. Elle ne serait plus telle que nous l'avons connue, telle que nous l'avons aimée, telle que nous avons cru qu'elle serait. Nous ne l'avons qu'imaginée je crois ta mère, nous ne l'avons que devinée, qu’espérée. Je me demande parfois si je l'ai vraiment connue, si ce n'est pas une chimère à laquelle je m'accroche. Je me demande tu sais. Mais non, puisque tu m'en parles, ma tout petite, mon adorée. Ta mère a réellement existé puisque tu me demandes souvent de ses nouvelles. Ou est-elle me demandes tu ? Ou est ma mère ? Je te regarde ma toute petite, mon adorée, je te regarde, je ne sais si j'existe, si tu existes, si ta mère existe, je ne sais pas si nous sommes encore une famille. Si nous sommes dans le champs des possibles, si nous sommes une illusion, si nous existons réellement. Tu ne sais pas toi si ta mère existe ma toute petite, je te regarde qui cours de ton pas mal assuré, je te regarde et je me demande aussi si ta mère existe réellement. Je me demande, souvent, parfois, ce qui nous a réunis un jour, ce que nous sommes encore et toujours, si nous nous sommes même connus. L'homme essuie les larmes qui coulent sur ses joues, il renifle, puis enfonce son visage dans un carton, comme pour disparaître.

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225 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Au 225 de la rue des pyrénées, un homme regarde les photos qu'il vient de trouver dans une boite de biscuits saint michel. Il se trouve dans l'appartement de sa mère, morte il y a quelques jours, l'homme regarde les photos de ses parents, celle de son frère et de lui, enfants, les détails d'une vie. Un sentiment de banalité l'envahit. Il a vécu ici, a quelques encablures de la place gambetta, il se souvient avec nostalgie, c'est tout ce qui reste, non, ces visages sur de la paraffine, comme une impression de déjà vécu. Au 225 de la rue des pyrénées, une jeune fille dépose le dernier 33 tours des vampires, un groupe punk qu'elle a vu en concert quelques semaines auparavant. C'est le milieu des années 80, le premier morceau s'appelle fort poétiquement "jésus christ était pédé". En concert, alors que le groupe entame la première chanson, le chanteur sort d'un cercueil posé sur la scène. Elle aime bien ce groupe, et puis un groupe qui a une chanson qui s'appelle "sauvez les carottes râpées" ne peut pas être complétement mauvais. Elle se sent presque fière d'être rouquine. Au 225 de la rue des pyrénées, une enfant dessine, elle essaie de se souvenir du visage de son père, c'est difficile, elle était si jeune quand il est mort, elle se souvient chaque jour de ce sourire, même juste avant qu'il meurt, elle se souvient encore et toujours de se sourire qui ne l'a jamais quitté. Elle s'est juré de le dessiner, jusqu’à le retrouver, pour qu'il vive encore. Comme avant. Pour qu'il vive encore auprès d'elle. Au 225 de la rue des pyrénées, un jeune garçon recommence a lire "la salle de bains" de jean philippe toussaint. C'est michel polac qui en a recommandé la lecture a droit de réponse, l'émission qu'il regarde souvent les samedis soirs ou il ne sort pas, ses parents sont accros, le vendredi soir apostrophe et le samedi soir droit de réponse. Il a acheté le livre avec ses économies, comme il vient de sortir, il a payé plein pot, 39 francs au gibert du boulevard saint michel qui se trouve juste a côté du cinéma porno. L'hiver arrive, le jeune garçon est content. C'est un enfant de l'hiver. Nous sommes a la fin de 1985, le garçon va avoir dix huit ans. Il se demande ce que ça fait d'avoir 18 ans. Au 225 de la rue des pyrénées, un vieil homme regarde ce monde qu'il va bientôt quitter, sans trop savoir, ce qu'il était venu faire là, et pourquoi, les regrets, les espoirs non validés, les impressions diffuses, la vie qui trépasse. L'homme se sent comme apaisé, comme libéré d'un poids, d'un secret trop bien gardé. Il baisse le rideau de sa fenêtre du 225 de la rue des pyrénées.

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227 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

 

Au 227 de la rue des pyrénées, un homme écrit ceci avec un beau stylo a plume sur un cahier qui semble d'une autre époque et qu'on pourrait presque appeler grimoire  : "J’ai quitté Benoît un peu avant l’aube, à l’heure de la fuite des illusions, à l’heure ou l’ivresse se transforme en sommeil. Il me dit ne cherche pas trop, ne cherche pas des raisons, tu étais parti depuis quelques années, je ne comprends pas ce que tu veux. Moi non plus j’ai pensé je ne sais pas vraiment ce que je veux. Peut-être revoir Chloé, maintenant que Miguel est mort, la voie est libre. C’est l’aube. Je m’assoie sur un banc du port de la bastille en me demandant si je ne suis pas en train de suivre le chemin de Miguel. C’est donc cela mon but. Finir en me balançant au bout d’une corde. Le réveil, là, savoir que ce n’est rien, rien d’autre qu’une vie qui avance, pas plus vaillante, pas moins glorieuse, une vie de plus c’est tout, une vie de plus c’est rien. Et je voudrais réellement continuer ainsi, ne plus savoir ce que je suis, pourquoi je voudrais boire ou ne plus boire, pourquoi je voudrais vivre ou ne plus vivre, pourquoi je m’asphyxie dans l’alcool et je m’épuise dans les nuits. Je désire comprendre ce qui m’arrive mais c’est impossible si j’arrête de boire, j’aime la vaillance de notre désespoir, la perte de nos repères, et le sentiment que nous allions vers la déroute. Je ne sentais pas une réelle gloriole à me maintenir dans cet état de complète déchéance, de destin qui partait en piquer. Curieux ce sentiment d’immortalité, l’émotion qui affleure du zinc. Le ballon à moitié rempli de vin rouge, ce désir, ardent et brutal de vider le verre comme on rend les armes. Je sais la douleur de boire, de trop boire, de trop se laisser aller, de s’immerger dans la douleur. Boire est douloureux, trop de bonheurs, trop d’émotions, d’illusions, la vie qui se fane, comme en sommeil. On ne vît jamais la béatitude, on ne recommence rien, on s’émeut sur soi-même. On comprend son propre désir, sans maîtrise, trop de désir, trop d’envie. Pourquoi ne peut-on jamais s’arrêter de boire, on s’éprouve dans l’ivresse. Forcément, l’envie de boire, un besoin animal, comme le cochon à besoin de la boue, comme le mélomane de la musique. Forcément boire, je ne sais rien faire d’autre, je ne suis pas préparé à vivre, inapte au quotidien, incapable de gérer le moindre des éléments qui rythme les semaines et les mois. Boire permet de s’appesantir sur son malheur, se complaire dans l’indolence, continuer à ne rien faire pour que rien ne se passe. On s’essouffle ne plus courir, à ne plus se battre, on se fatigue à se laisser aller, à ne rien désirer, à ne plus vouloir. Baigné dans ce nuage, noyé dans une flaque d’eau, juste lever son verre et aligner les gorgées, continuer le rien et boire encore et toujours. Dans ses cahiers, Miguel dit quelque chose sur la cale sèche, sur l’illusion de l’ivresse sans l’ivresse. Sur l’idée de vivre sans vivre. Sur l’impression du voyage sans voyage. Il dit que l’illusion de vivre, l’impression de regarder tout cela d’un œil torve est bien supérieur à la vie elle-même.". L'homme pose son stylo, referme le cahier. Se lève, allume une cigarette et s'accoude a son minuscule balcon qui donne sur la rue des pyrénées. La rue stendhal qui démarre en face. Au 227 de la rue des pyrénées.

 

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229 rue des pyrénées

Publié le par drink 75

 

Je me gare devant le 229 de la rue des pyrénées. Bordel j'ai encore rêvé de louise cette nuit, elle venait me hanter dans mon sommeil, elle me demandait de continuer de chercher son meurtrier. Je ne suis plus chargé de l'enquête je lui répondais, je ne sais même pas ou ils en sont. Nulle part sans doute.  Je me gare devant un opticien, je suis a cette endroit ou la rue des pyrénées après le métro gambetta descend vers la rue de bagnolet. Il y a un immeuble aussi au 229 mais je ne vois pas un mouvement, et je regarde autour de moi sans remarquer un quelconque collègue de la maison poulaga. J'appelle mon crétin de collègue qui m'explique qu'il s'est trompé de quelques numéros et que c'est au 232 que m'attends le suicidé. Bordel ils ont quoi en ce moment dans le quartier, c'est le troisième suicidé que je vais ramasser en quelques semaines, avec la mort de louise, ça fait 4 macchabées pour la seule rue des pyrénées. On se croirait a la campagne, puisque malgré la qualité de vie tellement extraordinaire de la province, il parait qu'on se suicide beaucoup chez les agriculteurs. Je démarre et m'engage dans la rue stendhal pour pouvoir faire une marche arrière et repartir vers gambetta. Cette tête d'ampoule d'adjoint ne s'est trompé que de 3 unités sauf que les numéros des deux côtés de la rue des pyrénées ne sont pas du tout au même niveau. C'est ou exactement le 232 je demande a mon adjoint. Un peu avant les ours, il me dit. Les ours je demande. Oui c'est le non d'un café, je vous rassure lieutenant, il n'y a pas un troupeau de plantigrade qui s'est échappé du cirque électrique. Je connais la café les ours j'éructe, et il n'y a pas d'animaux au cirque électrique, triple andouille ! Par contre toi tu vas passer a la chaise électrique, on est plus a un mort près. Je raccroche au pif du crétin. Je dépasse la place gambetta, la mairie du vingtième ou je devais me marier a une époque bien révolue. Je me gare devant le 232, juste derrière une ambulance et je m'allume une cigarette avant de sortir de ma voiture. J'entends les mots, suicide, armes a feu, dettes, c'est moche a voir. Je me demande ce qui se passe dans la tête des gens pour se suicider. J'essaie de me souvenir si j'ai jamais voulu me fumer. Quand j'étais jeune, peut-être. Je monte jusqu'a l'appartement, le type a écrit un mot pour des salariés visiblement, sans doute encore un type dont la boîte a fait faillite et qui est incapable de régler les dettes. Il y a du sang et des morceaux de cervelles et de crâne un peu partout. Il va encore falloir aller annoncer la bonne nouvelle a la famille, mère, femme ou enfants. C'est pire que la gastro, les suicides dans votre quartier, me dit le docteur. Pourtant, on vante toujours le bon air des pyrénées, il ajoute pince sans rire. Je regarde le corps sans tête assis sur le fauteuil, des gars prennent des photos.  Je redescends dehors. Depuis la mort de louise, tout le monde semble vouloir en finir dans le quartier. Depuis la mort de louise...

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