73 rue des pyrénées
Au 73 de la rue des pyrénées, je suis assis dans le salon d'un ancien collègue, un ancien flic. Je le regarde. Avachi dans son canapé, gros, usé, une bière posée sur la table basse de sa salle a manger. Un jour, une femme a écrit qu'elle m'aimait de toutes les particules de son corps, je me rends compte que c'est pareil pour ce gars, la vie l'a quitté, toutes les particules de vie de son corps l'ont quitté. Louise je sais désormais pourquoi tu es morte, tu ne voulais pas assister a ce naufrage, ta mère ne voulait pas assister non plus a mon naufrage, louise j'aurais voulu te sauver. Je bois un peu de bière, mon collègue continu de raconter ses souvenirs, et moi je fais semblant d'écouter, de rire. Tu sais, louise, pour moi aussi c'est la fin du parcours. J'entends par la fenêtre ouverte les bruits de la ville, j'essaie de me souvenir de belleville, de ménimontant, j'entends le bus, j'entends les gens qui parlent, rient, et s'engueulent. J'irai peut-être voir ta mère une dernière fois, même si c'est sans doute mieux de ne pas voir les gens une dernière fois. Ainsi, on sait que ce n'est pas la dernière fois. On peut espèrer qu'il y aura d'autres fois. Au 73 de la rue des pyrénées, le vieux flic alcoolique - qui ressasse et ressasse encore - vient près de moi, pour s'accouder lui aussi a son balcon. Je suis trop vieux pour partir mais je te comprends il me dit, c'est comme si la vie avait continué sans nous, comme si la vie fuyait sans qu'on puisse la suivre. Depuis le troisème étage, on ressent un peu d'énergie de cette rue, un peu d'énergie de cette ville, mais c'est comme si désormais elle s'échappait hors de mes doigts. Une forme de tristesse m'envahit, mais justement, j'en ai marre de cette nostalgie et je veux renaître ailleurs. Il faut que je trouve ton meurtrier louise. Pour vivre de nouveau. Revivre a nouveau.